Trois Rois, bataille des | Mouline, Nabil

Trois Rois, bataille des 1485 restèrent très limités étant donné l’absence d’une force fédératrice que la dynas- tie des Wattassides (1471‑1549) n’arrivait pas à incarner. L’apparition des chérifs zaydanides (les Saadiens de l’historiographie officielle – 1510‑1658), famille qui prétend descendre du Prophète, sur la scène politique marocaine changea pro- gressivement la donne. Grâce à un projet politique clair et à une aura religieuse certaine, ils réussirent à créer une certaine union autour d’eux. Ils lancèrent alors deux dynamiques concomitantes : l’unification du Maroc et le jihad contre les Castillans et surtout les Portugais, qui occupaient la majorité des ports et ran- çonnaient les populations avoisinantes. Entre 1510 et 1550, ils parvinrent, en conjuguant la force militaire avec la manœuvre diplomatique, à libérer la plu- part des présides de la côte atlantique, notamment Agadir (Santa Cruz), Safi et Asila, et certains de la Méditerranée comme Ksar Sghir. Ces pertes furent vécues au Portugal comme un véritable drame. Elles sym- bolisaient à elles seules la crise politique, économique et morale que traversait le pays, épuisé par plusieurs décennies d’efforts et de luttes sur quatre conti- nents. Il fallait donc se ressaisir. Et comme le sommet de la gloire et de l’hon- neur consistait, dans les mentalités portugaises de cette époque, en la croisade, il fallait absolument non seulement reprendre les places fortes de la côte maro- caine mais soumettre et convertir l’ensemble du pays. Élevé dans cette atmo­ sphère, le roi Sébastien I er (règne : 1557‑1578) personnifiait ainsi l’idéal d’une cause, celle de la régénération du Portugal. Cela dit, cette dimension « roman- tique » cachait de véritables enjeux stratégiques : contrôler le détroit de Gibraltar pour se prémunir contre les Ottomans et les corsaires, sécuriser les routes mari- times en partance ou de retour d’Afrique, des Indes et des Amériques, et faire du Maroc un grenier à blé. En résumé, pour protéger la métropole et sauver leur thalassocratie, les Portugais devaient avoir un prolongement géographique, politique et économique au Maroc. Dès 1572, Sébastien décida de se lancer à la conquête du Maroc et fit des pré- paratifs sommaires. Il créa ainsi un corps d’élite, inspecta à plusieurs reprises ses troupes et ses installations militaires, et commença à préparer l’opinion générale. Deux ans plus tard, il tenta une première expédition contre l’avis de ses prin- cipaux conseillers. Il réunit son corps d’élite et s’embarqua vers les côtes maro- caines dans le but déclaré d’inspecter les présides de Ceuta et de Tanger. Mais la vigilance des troupes marocaines et le nombre réduit du corps expéditionnaire rendirent l’aventure hasardeuse après plusieurs escarmouches. Considérant cette expédition comme une opération de reconnaissance, le jeune roi regagna sa capi- tale sous les ovations de ses sujets. Il était plus déterminé que jamais à conquérir le pays. Il attendait seulement des conditions plus favorables. Et quel meilleur signe annonciateur de la future conquête que l’éclatement d’une crise dynastique au Maroc ? En effet, le pouvoir du sultan Muhammad

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