Transe | Zillinger, Martin

Transe 1473 Habituellement, les pratiques rituelles sont rattachées à des lieux spécifiques. Ces lieux peuvent être visités afin d’invoquer, chasser ou adorer les puissances qui sont tenues responsables d’une souffrance. Au cours de leur visite, les suppliants peuvent sacrifier, dormir, faire des rêves inspirés ou encore consulter des experts rituels et devins. Ils rampent dans des crevasses, plongent dans des puits, aban- donnent leurs vêtements dans des bosquets sacrés ou les attachent à des arbres associés à un esprit ou à une puissance surnaturelle (Di Gianni, 1967 ; Kriss et Kriss-Heinrich, 1960). Dans ces lieux interstitiels, des sanctuaires peuvent être érigés afin de localiser et confiner les forces qui doivent autrement être appelées par des mouvements mimétiques. À l’aide de techniques corporelles et d’éléments liés au suppliant, ce dernier se met en présence d’un esprit ou d’une divinité et se place sous sa protection. Ces « îles de sacralité » (Stewart, 1991) associées à cer- taines formations géographiques, créées par une intervention divine ou démo- niaque, et marquées par la construction de sanctuaires et d’édifices ainsi que par des pratiques rituelles, sont des passages vers d’autres mondes métaphysiques et sociaux. Cette topographie, intégrée à des pratiques religieuses et à des idées qui évoluent et transcendent l’espace, est structurée par le culte de saints qui rattachent les localités à des régions, les espaces ruraux à des espaces urbains et les pratiques locales à des théologies supra-locales. Canalisés à travers des per- sonnes, des signes et des objets, des éléments sacrés circulent vers et hors de ces lieux. Des amulettes contenant des images, signes et symboles sont utilisées pour relier la puissance spirituelle du lieu aux personnes et invoquer l’aide et la pro- tection divine à l’extérieur. Souvent, des éléments sont enlevés de ces « centres périphériques » (Turner, 1969) afin d’être réinstallés dans des autels domestiques ou dans des lieux sacrés proches du lieu de vie du suppliant. Du fait de la rencontre coloniale entre les sociétés européennes et nord-­ africaines et de l’avènement de mouvements modernistes, les cultes à transe ont souvent été la cible du « travail de purification » de réformateurs religieux combat­ tant des « survivances » et des « distorsions locales » de leurs fois universalistes. Ce n’est pas uniquement dans des contextes chrétiens – où l’homme a été consi- déré « chevauché par Dieu ou par le diable » (Luther) – que des cultes à posses- sion « n’osent pas s’afficher ouvertement », comme Rouget en fait la remarque au sujet de la tarantella (Rouget, 1980, p. 162). Dans l’islam, l’invocation de djinns a été considéré comme relevant du shirk (« idolâtrie ») ou bida’ (« héré- sie »). Des confréries pratiquant la transe, telles que les ‘Isâwâ et les Hamadsha au Maroc, ont tenté de maintenir secrètes des pratiques controversées de posses- sion par des esprits, et de conceptualiser certains aspects de la transe comme une composante légitime du soufisme. Des communautés juives ultra-orthodoxes s’efforcent de rendre compte dans un cadre métaphysique globalisant de phéno- mènes extraordinaires qui dépassent les frontières de la science. En organisant

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