Transe | Zillinger, Martin

Transe 1472 forme de récits, qui symbolisent et structurent la rencontre avec des êtres sur- naturels (Stewart, 1991), de pratiques concernant la notion du mauvais œil, de magie et de sorcellerie (Kriss et Kriss-Heinrich, 1962), et dans le contexte des « institutions de rêve » (Mittermaier, 2011), de la divination (Johnston, 2004) et de la guérison (Akhmisse, 2000). Les trois religions du Livre ont développé des techniques et des stratégies de légitimation afin d’atteindre l’expérience d’un dieu transcendant (Benz, 1972 ; Garb, 2011 ; Schimmel, 1978). Les « pratiques de l’imagination » (Kramer, 2005) évoquent rituellement des « images intérieures » de puissances extérieures par les mouvements corporels de la personne en transe, et relient le visible au monde invisible. Dans les cultures tant aniconiques (juives et islamiques) qu’iconiques (chrétiennes), des états sub- jectifs et collectifs sont ainsi rendus observables et énonçables dans un travail de médiation permanent. Dans les contextes chrétiens, des liens peuvent être établis avec des représentations picturales de personnes saintes et avec les puissances que ces représentations incarnent. Au cours de processions, l’action de puissances sur- naturelles est rendue visible en public. Au sanctuaire de Madonna dell’Arco à Naples, de jeunes hommes courent frénétiquement sur de grandes distances et atteignent, dans un état d’épuisement, la figure de la sainte, où ils rejoignent d’autres suppliants en transe au cours des célébrations de Pâques. À l’occasion de l’anniversaire du prophète Muhammad (le mouled ), les confréries ‘Isâwâ dansent, défilent et courent sur de grandes distances pour se rendre auprès du sanctuaire de Sidi Muhammad ben ‘Isa à Meknès et « s’apaiser » avec d’autres visiteurs en transe devant la tombe du saint. De même, au cours de rituels domestiques, des puissances divines et démoniaques et leur impact sur des personnes sont reconnus au cours de procédures publiques, mises en œuvre par l’interaction des experts rituels, des patients et du public (Lévi-Strauss, 1958, p. 183‑203). Les élabora- tions rituelles de la transe ont recours à des éléments visuels, audibles et tactiles, et font également appel aux sens de l’odorat et du goût. Lorsqu’un esprit pos- sesseur se manifeste, que ce soit dans le culte zar, stambeli, ou gnawa en Afrique du Nord et dans les « tarentismes » (Gallini, 1988) nord-méditerranéens, il peut exiger certains sons, couleurs, aliments, vêtements et essences. La manifestation des esprits et des puissances qui déclenchent la transe inclut les cinq modes sen- soriels et la transe devient ainsi un moyen de connaissance sensuelle du monde. Les séances de transe peuvent inclure des éléments dramatiques ou comiques et évoquer des émotions de peur, de révérence, de chagrin, de joie et parfois de dégoût. La transe comporte une exposition constante à l’altérité, souvent mise en scène comme un surgissement de l’étranger, qu’il vienne de l’intérieur ou d’au-delà des frontières, tels les esprits chrétiens ou juifs dans l’islam, ou le maure dans les danses extatiques telles que la moresca ou la fenestrella dans le christianisme (Vandenbroek, 1997).

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