Transe | Zillinger, Martin

Transe 1471 (Jankowsky, 2010). Selon De Martino, une souffrance individuelle est rendue publique dans la « crise de présence » rituellement générée qui caractérise la transe (De Martino, 1961). La transe rétablit la maîtrise de soi en conférant à l’expé- rience de la souffrance une forme ritualisée et « déshistoricisée ». Les membres des classes supérieures sont également concernés, puisqu’ils font l’expérience de souffrances qu’ils tentent de traiter par la transe, couvrent les frais des rituels, ou cherchent à s’attribuer un prestige rituel. Ainsi que Turner nous le rappelle, la liminalité ne peut être réduite à la marginalité. La transe peut être atteinte et apprise par des techniques corporelles asso- ciant mouvements et respiration ou par l’immersion dans des sons, des récits ou des images. Ces « composants de la transe » peuvent s’articuler dans un certain ordre rituel et constituent des éléments de socialisation dans des cadres cultu- rels spécifiques. Ils peuvent être enseignés, appris et décrits (Bateson, 1975). Outre l’apprentissage technique et l’initiation à différents modes de sensation, la souffrance est souvent rétrospectivement perçue comme un tournant dans le médiumnisme à transe. Une interprétation médiumnique de la transe émerge souvent, ainsi que des altérations physiques de la personne en transe, qui ressent les différentes parties de son corps comme étant séparément animées ou para- lysées et détachées des mouvements volontaires. Imputée à une puissance exté- rieure, cette crise initiale doit être ordonnée et maîtrisée par le biais du rituel. À cette fin, les réactions physiques incontrôlables sont traduites par une ges- tuelle souvent accordée à une musique. Une fois l’esprit ou la puissance exté- rieure canalisés et satisfaits, ces mouvements culminent en un état d’épuisement, fréquemment dramatisé sous la forme d’une chute et laissant place à une cata­ lepsie physique. Au fil du temps, les personnes en souffrance peuvent développer une expertise qui leur permet de se traiter elles-mêmes et de traiter autrui. Elles peuvent devenir des médiums qui, par la transe, maîtrisent des esprits, commu- niquent avec eux, et utilisent ces facultés pour apprivoiser ou chasser les puis- sances qui investissent une personne. Pour se positionner dans cet entre-deux, entre le monde d’ici et l’au-delà, il faut disposer de compétences qui permettent de gérer les deux mondes, et la capacité de maîtriser ces situations potentielle- ment dangereuses peut conférer une autorité rituelle, sociale, voire politique. Formes et enjeux de la transe Les différents modes d’expérience associés à ce phénomène doivent faire l’objet d’une représentation pour être reconnaissables et acceptés comme relevant de la transe afin de ne pas être classifiés autrement, comme une forme de psychose par exemple. En Méditerranée, de telles représentations ont été réalisées sous la

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