Transe | Zillinger, Martin

Transe 1475 utilisés au sein d’écoles d’art et dans des stages de formation de groupes folklo- riques locaux. Par le passé, des projets nationalistes ont accusé le médiumnisme à transe d’entraver la connaissance de soi et le développement personnel et ont combattu la transe comme un obstacle sur la voie du progrès. Depuis le début des années 1980, de nombreuses descriptions ethnographiques mettent en lumière une tendance contraire, où des États-nations, dans leur quête des origines, se montrent favorables au médiumnisme qui se manifeste par des phénomènes de transe. Dans le monde entier, les médiums pratiquant la transe sont devenus les dépositaires d’un patrimoine. Ces médiums ont été archaïsés et dans le même temps renouvelés. À l’instar d’autres pratiques artistiques et religieuses qui sym- bolisent le « local » en Méditerranée et promettent des « découvertes extraordi- naires », la marginalité est devenue une valeur d’échange sur le marché mondial de la « world music » (Sant Cassia, 2000). Traditions sans cesse réinventées, les pratiques de transe telles que celles des gnawa au Maroc, du culte zar en Égypte ou du dhikr des mevlevi (derviches adeptes de Rûmî) en Turquie peuvent être exploitées pour renforcer et promouvoir des identités régionales. Les techniques visant à déclencher la transe font partie des danses folkloriques cultivées en Grèce, en Turquie et dans le Levant ainsi qu’en Espagne et au Maghreb, et peuvent être entièrement esthétisées, comme l’art du flamenco en Espagne, et sortir totale- ment des cadres religieux en se muant en « sensations fortes » dans les festivals de musique électronique. La transe est devenue une « catégorie transnationale » (Kapchan, 2007), géné- rée, administrée et opérationnalisée par des associations régionales, des ministères nationaux et des institutions mondiales telles que l’Unesco. Dans ce contexte, un nouveau champ d’expertise sur « l’authenticité » et la valeur esthétique de la transe a été établi par des bureaucrates, des entrepreneurs et des praticiens locaux et transnationaux. En adoptant de nouveaux cadres de référence et lieux d’ac- tion, il est possible de faire voyager la transe aisément. Présentée comme une tradition sacrée, une thérapeutique populaire ou une forme d’art, elle est utili- sée par des entrepreneurs locaux qui s’en servent pour maîtriser l’accès à diffé- rents publics et contrôler le flux transnational de ressources. La transe devient un marqueur pour des identités religieuses dépolitisées dans le cadre de festivals célébrant un œcuménisme globalisé, tels que le « festival de musique sacrée » de Fès ; des guérisseurs et psychothérapeutes européens engagent les services de confréries à transe nord-africaines pour traiter leurs patients ou se rendent dans leurs sanctuaires et festivals locaux, tandis que des stars de l’industrie mondiale de la musique comme les Rolling Stones ou Jimi Hendrix ont cherché l’inspi- ration dans des « lieux reculés » et utilisé des rythmes locaux dans leur musique. Pour les médiums pratiquant la transe, il est essentiel de nourrir la demande pour leurs compétences rituelles afin de maintenir leur position auprès des

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=