Temps | Chiffoleau, Sylvia

Temps 1437 grégorien, ou, dans les pays multiconfessionnels, de donner place aux fêtes de cha- cun, au prix de subtiles négociations, dans le monde du travail notamment, la question des calendriers a aujourd’hui encore une portée symbolique et politique très forte, dont il conviendrait d’étudier plus finement les mécanismes et les usages. Dire et lire l’heure Ce sont aussi les phénomènes naturels qui sont partout au fondement de la déter- mination de l’heure, et le soleil en est ici le principal étalon. La Méditerranée a hérité de l’Antiquité un savoir déjà bien maîtrisé et des instruments de mesure du temps efficaces. Les cadrans solaires et les clepsydres (horloges à eau) sont ensuite perfectionnés par les Arabes musulmans dont les rituels religieux néces- sitent de déterminer l’heure avec précision. Le muezzin était au départ chargé de calculer puis d’annoncer lui-même le début des cinq prières quotidiennes, avec l’aide de connaissances astronomiques rudimentaires et des cadrans solaires généralement installés sur le mur des mosquées. Mais l’importance de la tâche a conduit à une spécialisation de la fonction. À partir du xiii e siècle, ce sont des astronomes professionnels (muwaqqit) , employés par les différentes institutions religieuses, qui l’exercent. L’importance de l’heure des prières, celle de la loca- lisation précise de La Mecque pour orienter le mur de qibla , ou encore l’ob- servation du premier croissant de Lune annonçant le début du ramadan ont contribué à l’épanouissement d’une branche spécifique de l’astronomie dans la tradition scientifique musulmane, le ‘ilm al miqât , et à l’acquisition de solides compétences dans l’art de la mesure du temps. C’est pourtant en Europe, à la fin du xiii e siècle, qu’est mise au point l’hor- loge à échappement mécanique, laquelle induit au cours des siècles suivants une transformation profonde, encore que très progressive, du rapport au temps sur la rive nord de la Méditerranée. Dès le xv e siècle, le rythme urbain y est scandé par les horloges publiques ; au village, c’est la cloche qui égrène l’heure. Les per- fectionnements techniques et la miniaturisation des garde-temps accompagnent ensuite le développement économique. Lors de la révolution industrielle, les nouveaux dispositifs mis en place, télégraphe, train et usine, assurent enfin le triomphe d’un temps compté, désormais considéré comme une valeur marchande et qui croît en complexité afin d’assurer une coordination précise des activités, pour une meilleure productivité et un meilleur rendement. Les souverains ottomans, qui entament l’expansion de l’Empire au moment même où l’Europe perfectionne les garde-temps, manifestent un engouement particulier pour ces objets. Le traité de cessez-le-feu passé entre La Porte et l’Autriche des Habsbourg, en 1547, stipulait que cette dernière devait fournir

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=