Temps | Chiffoleau, Sylvia

Temps 1433 Temps Aussi difficile soit-elle à définir, la notion abstraite de temps a passionné la philo­ sophie antique, et toutes ses héritières. En ce sens, l’interrogation irrésolue sur l’es- sence du temps parcourt tous les espaces méditerranéens, jusqu’à aujourd’hui. Mais ce sont surtout les religions qui marquent de leur empreinte la question du temps. La Méditerranée, où se croisent les grands monothéismes, apparaît comme un champ particulièrement fertile pour observer la diversité des computs et des conceptions du temps. Si la conception juive du temps se fait relativement discrète et diffuse, la présence, sur l’une et l’autre rive, de celles de la Chrétienté et de l’Islam pour- rait apparaître comme une ligne de clivage, symbolisée par des calendriers dont les principes sont profondément différents. S’il n’est pas question ici d’aborder en détail la question complexe des conceptions religieuses du temps, ni celle des tem- poralités vécues, subjectives, l’examen du temps concret, objectif et quantifiable à partir de méthodes de computs et d’instruments de mesure permettra de saisir la diversité des expressions du temps en Méditerranée, qui certes peuvent entrer en conflit, mais révèlent aussi de multiples formes de croisement et d’association. L’historiographie du temps demeure profondément inscrite dans l’expérience occidentale. Les nombreux travaux qui ont abordé cette question au cours des vingt dernières années laissent peu de place au « temps des autres », et lorsque celui-ci est évoqué, c’est généralement en référence à la seule dimension reli- gieuse et non aux aspects sociaux ou politiques. Les rares travaux qui ont pris pour objet le temps dans l’espace arabe et musulman ont privilégié la conception du temps dans la pensée islamique (Massignon, 1962 ; Gardet, 1975), l’étude des calendriers populaires, ou encore les expressions linguistiques du temps. Les dimensions pratiques et les usages du temps demeurent quasiment inexplorés, à l’exception d’un travail pionnier sur l’Algérie (Carlier, 1998) et d’un ouvrage sur Les Ottomans et le Temps (Georgeon et Hitzel, 2012). Tout lacunaires qu’ils soient, ces travaux permettent néanmoins de relever d’emblée que la chronolo- gie occidentale de l’histoire du temps ne trouve guère de correspondance dans l’histoire du monde arabe et musulman.

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