Tauromachie | Saumade, Frédéric

Tauromachie 1429 dans les pays anglo-saxons pour s’imposer à l’ensemble du monde occidental. On pourrait d’ailleurs dire à cet égard qu’au xx e siècle la généralisation de l’em- pathie à l’égard de l’animal s’étendit jusqu’à la corrida elle-même, qui devint beaucoup moins sanguinaire à partir de 1930, lorsque le règlement imposa l’usage du caparaçon pour éviter aux chevaux des picadors d’être éviscérés par les taureaux, comme c’était habituel jusqu’alors. Parallèlement, le spectacle s’est affiné. De cette époque à nos jours, c’est le jeu non blessant des leurres, cape et muleta, dont la forme achevée est une véritable chorégraphie esthétique entre le matador et le taureau, qui est devenu le centre d’intérêt des spectateurs, la pique et la mise à mort, naguère considérées comme les phases les plus impor- tantes, passant à un plan secondaire. Ainsi, lorsque le spectacle est réussi, le combat se transforme-t‑il en « communion », en « dialogue », voire en « accou- plement », pour reprendre les métaphores habituelles des chroniqueurs taurins, réunissant l’« artiste torero » et un animal « sauvage » devenu de la sorte, plu- tôt qu’un adversaire à éliminer, un partenaire idéal aux qualités anthropomor- phiques (« brave », « noble », selon les expressions consacrées). Dans le même sens, ces dernières décennies, l’occurrence de plus en plus fréquente de la grâce accordée aux spécimens les plus combatifs, ceux qui ont permis la réalisation d’un spectacle jugé parfait par le public et par la présidence de la course, per- met de renvoyer dos à dos les militants « animalistes », selon lesquels la corrida est une manifestation définitivement cruelle et régressive, donc non susceptible d’évoluer, et les thuriféraires de la corrida qui veulent y voir l’immanence d’un sacrifice. Une posture objectiviste y reconnaîtra plutôt un spectacle épousant, plus qu’on ne pourrait le croire si l’on se limitait à un regard superficiel, les sen- sibilités de la société moderne qui lui a donné naissance. Les cultures régionales de la tauromachie, de l’Europe du Sud-Ouest à l’Amérique La théorie sacrificielle a ceci – et seulement ceci ! – de commun avec la polémique antitaurine qu’elle fausse le regard en le focalisant sur la mise à mort, comme s’il s’agissait d’un principe absolu et incontournable ; la première en fait une essence mystique, la seconde une épiphanie diabolique. Or cette alternative manichéenne ne rend pas compte de la richesse ethnographique de la tauromachie, qui se déploie entre une multitude de traditions régionales, entre l’Europe du Sud-Ouest et le continent américain. Si le danger couru par l’homme est bien le nœud dramatique de toute tauromachie, il n’en va pas de même de l’exécution du taureau dans le spectacle. Celle-ci n’est le terme que

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