Tauromachie | Saumade, Frédéric

Tauromachie 1430 de la seule corrida espagnole d’origine andalouse, dans sa version classique et dans sa version marginale, équestre (rejoneo) , encore que la raison du spectacle soit à même de subsumer cette fin prévue en cas de grâce du taureau. Certes, la corrida est la tauromachie la plus connue à travers le monde, puisqu’elle s’est diffusée dans la majeure partie de la péninsule Ibérique et dans le Midi fran- çais, en pays landais et camarguais, ainsi qu’en Amérique ibérique, où certaines nations – l’Argentine, l’Uruguay, le Chili, Cuba – l’ont bannie après l’indépen- dance, comme un signe indésirable de la présence coloniale, tandis que les autres, au contraire, l’érigeaient en emblème identitaire. Mais en se diffusant ainsi, la corrida a suscité d’une région à l’autre, dans le creuset de la fête popu- laire où la tauromachie se crée et se recrée, l’apparition de contre-modèles de spectacles d’arènes, tous différents les uns des autres, tous liés à une idéologie d’affirmation identitaire particulière : ainsi, en Europe du Sud-Ouest, les courses portugaise, arago-navarraise, valencienne, landaise, camarguaise, et en Amérique, les diverses sortes de rodéos et de corridas populaires observées depuis l’Alberta canadien jusqu’au Chili, dont l’origine remonte à l’époque des empires espa- gnols et portugais. Les techniques observées à travers ce catalogue se déclinent autour des modes standardisés d’approche et de combat de l’animal bovin : tra- vail à pied et/ou à cheval, course, feinte, saut, utilisation de leurres et/ou d’armes blessantes, prise à mains nues, prise au lasso, monte, contact ou évitement, épreuve de vitesse ou concours esthétique, etc. (Saumade, 1994, 1998, 2008 ; Maudet, 2010 ; Saumade et Maudet, 2014). Si cette profusion tauromachique peut étonner, une caractéristique réunit néanmoins tous ces avatars de la corrida : l’absence de l’exécution publique du taureau dans l’arène. Mieux, que ce soit dans le rodéo nord-américain – où le bull riding , la monte du taureau, est devenu l’épreuve la plus populaire –, dans le jaripeo mexicain, ou dans les courses landaise et camarguaise, on observe un processus de mise en vedette de l’animal affronté par l’homme. De ce point de vue, la course camarguaise présente le cas de figure le plus radical. Ici, face au taureau « cocardier », les « raseteurs » à pied, vêtus de blanc, armés d’un crochet métallique à quatre branches, sont chargés de décrocher à la course des « attri- buts primés » (cocarde, glands, frontal et ficelles, pièces de ruban, de ficelle et de laine préalablement attachés à la base des cornes). En fait, toute l’attention du public se porte sur les capacités du taureau de défendre efficacement ses attributs en chargeant violemment les raseteurs qui le provoquent. Par conséquent, c’est l’animal qui est appelé à dominer l’homme dans le jeu, s’affirmant ainsi comme la véritable vedette du spectacle. Au fil des années que dure leur carrière, le pres- tige de certains cocardiers – et de leur éleveur – est si grand que leurs admira- teurs finissent par dédier à ces animaux un rite d’immortalisation en érigeant une statue à leur image sur la place publique d’une ville, en les inhumant sous

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