Taha Hussein | Deheuvels, Luc-Willy

Taha Hussein 1418 de traduction de la philosophie grecque en langue arabe, puis en latin. Islam et pensée européenne ne peuvent être opposés, ils participent d’une même imbri- cation profonde. Enfin, Taha Hussein note que l’islam et le christianisme se rejoignent par une identité de nature et d’origine. La dimension méditerranéenne de l’Égypte revendiquée par Taha Hussein le pousse à défendre avec force le lien avec l’Europe, dans lequel il voit une nécessité pour l’avenir de l’Égypte, malgré les méfaits du colonialisme, responsable d’avoir aggravé le retard des pays qui en ont été victimes. L’unité de civilisation avec l’Europe conduit à invoquer la rationalité pour définir une modernité appuyée sur une lecture historicisée de l’héritage arabe et islamique. Taha Hussein ne voit pas le lien national se créer sur une base religieuse, ou même seulement linguistique, mais sur une idée de l’intérêt commun somme toute assez proche du vouloir-vivre en commun de Renan. En adoptant un regard historiciste et rationaliste sur la religion, Taha Hussein vise à concilier islam et pensée politique moderne. Il rejette toute idée confessionnelle de l’État, et dans le prolongement de sa défense de ‘Alî ‘Abd al-Râziq en 1925, il affirmera avec constance l’inanité de vouloir rechercher dans le passé ce qui aurait été un État islamique idéal : « D’aucuns pensent que le régime politique, du temps du Prophète et de ses Compagnons était démocratique. La démocratie est un mot qui signifie le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Si l’on comprend la démocratie dans ce sens précis, il n’y a pas de doute que le régime politique, dans les premiers temps de l’islam, n’était pas démocratique, car le peuple ne choisissait pas ses dirigeants, ce n’est pas le peuple qui a choisi le Prophète. » Si la démocratie doit être cherchée dans une modernité qui est pour Taha Hussein largement avérée en Europe (et plus particulièrement en France, le pen- seur égyptien ne faisant pas de part dans son ouvrage à la montée des totalita- rismes, pourtant très inquiétante en 1938), la justice sociale est prônée par l’islam qui appelle à considérer l’égalité comme un principe fondamental ; le déficit de mise en pratique jusqu’à son terme de ce principe incombe pour Taha Hussein aux musulmans eux-mêmes. Il n’existe toutefois pas de tous ces principes une définition immuable qui serait contenue dans une législation islamique intan- gible : Taha Hussein considère que tout doit être relu en fonction des étapes d’une évolution historique et du développement des peuples. Marqué autant par Ibn Khaldûn que par Auguste Comte, Taha Hussein voit dans le contrôle de la nature et de la vie par la raison un processus graduel marqué par plusieurs phases, la dernière devant consacrer un achèvement idéal d’une raison émanci- pée et indépendante. Ce qui, dans certaines affirmations hyperboliques de Taha Hussein, peut être perçu comme un appel à s’identifier à un modèle européen (« apprendre comme les Européens, ressentir ce qu’ils ressentent, gouverner comme eux ») doit être

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