Sucre | Ouerfelli, Mohamed

1410 Sucre du xiv e siècle a engendré des mutations au niveau tant des moyens de transport employés que des stratégies adoptées par les grandes villes maritimes pour s’as- surer un approvisionnement régulier en sucre. Ce mouvement provoque des fluctuations rapides des prix, tandis que le nombre des qualités n’a cessé d’aug- menter, signe évident d’un engouement pour ce produit, mais également d’une connaissance et d’une familiarité de plus en plus grande dans les milieux aisés. Contrairement à des produits lourds tels que l’alun ou le blé, objets d’un trans- port particulier, le sucre accompagne toute une gamme d’épices et de marchan- dises légères de haute valeur, dont le transport est au début réservé aux galées, qui offrent une grande sécurité et un acheminement rapide et régulier sur les routes d’Orient. Mais la commercialisation du sucre à grande échelle rend nécessaire l’adoption de nouvelles méthodes, particulièrement en matière de condition- nement, afin de l’adapter à un trafic plus lointain, d’où le besoin de transporter des sucres semi-raffinés. Cette tendance observée à partir de la seconde moi- tié du xiv e siècle renforce le rôle des navires ronds dont le coût d’exploitation revient moins cher et les taux d’affrètement sont inférieurs aux tarifs appliqués par les galées. À la diversité des moyens de transport et des techniques commerciales, il convient d’ajouter celle des hommes d’affaires participant au trafic du sucre. Si aucune spécialisation ne se dégage au cours du xiv e siècle, le suivant, en revanche, connaît un intérêt croissant pour le trafic de ce produit. Les compa- gnies commerciales s’établissent autour des centres de production et multiplient les interventions et les spéculations dans les étapes de la production comme dans celles de l’exportation. Depuis le xi e siècle, des marchands juifs et musulmans participent activement au trafic du sucre en Orient ; sans grands moyens finan- ciers, ils s’effacent rapidement, laissant la place aux puissants Kârimî (une fra- trie de marchands soudés par des liens de solidarité familiale), qui contrôlent le commerce des épices et les échanges avec l’Extrême-Orient. Ils sont progres- sivement remplacés par les fonctionnaires de l’État mamelouk et surtout par les grands émirs, devenus de véritables hommes d’affaires et participant à tous les réseaux du commerce du sucre. Vers la fin du Moyen Âge, ce sont surtout les hommes d’affaires des grandes cités maritimes qui se partagent la commercialisation en Méditerranée. Les Génois s’établissent solidement dans le royaume de Grenade et développent les exporta- tions vers les marchés de l’Europe du Nord. Le marché sicilien a attiré un grand nombre d’entre eux : des Génois, des Catalans, des Toscans, des Vénitiens et des Français participent tous à ce trafic très lucratif, bien sûr à des degrés divers. Le rôle le plus important revient en revanche aux Siciliens d’ascendance pisane ; grâce à l’efficacité de leurs techniques commerciales et à la dimension interna- tionale de leurs banques et de leurs affaires, ils multiplient les exportations du

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