Sphère publique | Kerrou, Mohamed

Sphère publique 1397 Sphère publique Les réformes et les révolutions arabes offrent l’opportunité de repenser les sphères publiques en relation avec les dynamiques locales, régionales et globales des socié- tés méditerranéennes. Tout un processus historique s’est enclenché récemment, mêlant ensemble les nouvelles recompositions du politique et les déterminations historiques de l’État, de la culture et de la société qui prévalaient jusqu’ici et qui commencent à être sérieusement ébranlées. À regarder de près, trois phénomènes majeurs orchestrent l’émergence des sphères publiques contemporaines autour de la Méditerranée et dans le monde : la visibilité croissante des femmes dans l’espace public, les rapports contra­ dictoires entre le politique et le religieux, et le rôle important et controversé des nouveaux médias. Ces phénomènes constituent de véritables défis de civilisation et interpellent les différents acteurs sociaux en charriant des enjeux politiques et idéologiques qui sont de nature à reconfigurer les liens sociaux et les relations de pouvoir. C’est dans ce sens que la problématique des sphères publiques s’articule autour de la démocratie et de l’exercice de l’autorité structurant les rapports gouvernants-­ gouvernés et les logiques de domination politique et symbolique. D’origine kantienne, la notion de sphère publique fut réintroduite dans les sciences sociales par Habermas pour désigner l’ensemble des individus privés, rassemblés pour discuter des questions d’intérêt commun réglementées par l’au- torité, sur le plan de l’économie, du travail et de la politique. Le médium de cet échange négocié avec le pouvoir (et contre le pouvoir) est l’usage public de la raison. Les frontières entre le domaine public et le domaine privé se concrétisent à travers la sphère familiale régie par l’État et par la subjectivité des choix per- sonnels. C’est, en effet, au sein de la famille qu’est née progressivement la sphère publique, par le biais des échanges épistolaires et de la lecture des romans effec- tués dans l’espace des salons et relayés à l’extérieur par la fréquentation des cafés et la lecture des gazettes, en particulier le Journal officiel .