Sirène | Bortolotto, Chiara

Sirène 1393 ou, dès la fin du xii e siècle, iconographiques, nous montrent des sirènes nour- rices : selon Chrétien de Troyes, Lancelot fut nourri par une fée. Cette femme surnaturelle, qui est appelée la Dame du Lac dans le Lancelot en prose (composé entre 1215 et 1230), est désignée par le terme merfeine (« fée de la mer ») ou merminne (« sirène ») dans une version germanique de la légende transmise par le Lanzelet , roman composé à la fin du xii e ou au début du xiii e siècle. De façon similaire, Tristan de Nanteuil, selon la chanson qui porte son nom et compo- sée au milieu du xiv e siècle, fut nourri par le lait d’une sirène. Le motif de la sirène nourrice est également attesté dans des compilations encyclopédiques du xiii e siècle et par une abondante documentation iconographique : dans les bes- tiaires sculptés ou dans les enluminures des manuscrits (Leclercq-Marx, 1997). Après la parenthèse littéraire de la fin du xiv e siècle, la légende de Mélusine sera folklorisée de nouveau, en France, à l’époque moderne ; on l’associera à l’ori- gine des puits, fontaines ou châteaux, et elle sera reprise dans les répertoires des conteurs (Le Goff et Le Roy Ladurie, 1971). Ailleurs en Europe, où la légende de Mélusine a moins pénétré dans l’imaginaire populaire, la figure de la sirène s’inscrit dans les usages et les croyances avec des connotations différentes. En Italie et en Espagne, par exemple, la pratique consistant à suspendre des objets en forme de sirène aux berceaux ou à les porter sur soi est bien attestée. Des témoi- gnages de la seconde moitié du xix e siècle relatent que dans le Sud de l’Italie des amulettes appelées sirene étaient portées par les enfants comme protection contre les influences négatives (Corso, 1909). Pareillement, au début du xx e siècle, les sirènes espagnoles étaient portées par des enfants à Saragosse, Séville et Madrid (Hildburgh, 1915). La plus riche collection de ces pendentifs en argent a été réunie à la fin du xix e et au début du xx e siècle par des voyageurs anglais dans la région de Naples et est aujourd’hui conservée au Pitt Rivers Museum. Les sirènes napolitaines forment une typologie très homogène et sont pour la plupart datées du xviii e ou du xix e siècle. Elles se distinguent par une double queue de poisson, pliée sur les deux côtés du buste de la sirène, conférant à cet objet une forme arrondie. Plus anciennes (remontant pour la plupart au xvii e siècle), les sirènes espagnoles, en revanche, ont une seule queue et sont représentées dans une torsion frontale avec la queue pliée sur un côté, alors qu’elles se regardent dans un miroir soutenu par une main tout en se peignant avec l’autre main ou qu’elles jouent de la trompette. Aux sirènes napolitaines, dans la plupart des cas couronnées, sont accrochés des grelots tandis que les pendentifs espagnols peuvent associer la sirène également à un sifflet. La croyance dans l’existence des sirènes est commune à l’ensemble de la Méditerranée. Dans la cartographie médiévale, les sirènes sont représentées parmi les autres créatures marines bien que situées aux marges du monde connu ; la rencontre avec des sirènes est souvent évoquée dans les récits des explorateurs.

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