Sirène | Bortolotto, Chiara

Sirène 1391 et en partie à de jeunes filles » (Apoll. Rhod., Arg. , IV, 899) lorsqu’elles mettent à l’épreuve Jason qui parvient à sauver son navire grâce à son propre chant, plus mélodieux que celui des sirènes. Leur forme semi-thériomorphe trouve plusieurs explications dans le mythe par son association à l’enlèvement de Perséphone par Hadès. Leur transformation en femme-oiseau serait alors une punition de Déméter pour ne pas avoir empêché le rapt de sa fille dont elles étaient les compagnes, ou un choix spontané de ces dernières, afin de pouvoir chercher Perséphone sur la terre comme sur la mer. C’est dans les Argonautiques orphiques (Ps. Orph., Arg. , 1264‑1290) que les sirènes sont pour la première fois présentées comme des musiciennes, selon un modèle déjà bien documenté par les témoignages iconographiques à partir de l’âge archaïque (Oinochoe, New York, collection Gregory Callimanopoulos, 515-500 av. J.-C.). Le lien entre les sirènes et la musique expliquerait égale- ment leur rôle dans les spéculations philosophiques pythagoriciennes, reprises par Platon dans le mythe d’Er où les sirènes créent l’harmonie des sphères (Platon, Resp. , 616b-617d) ou leur fonction figurée, comme métaphores de la séduction et, par extension, des arts qui ont le pouvoir de l’exercer. Ce lien per- met en particulier de comprendre l’autre facette des sirènes grecques, à savoir leur fonction funéraire. Démons ailés de la mort, ou figures apotropaïques qui accompagnent l’âme du défunt avec leur musique, les sirènes sont représentées, à la fin du v e siècle, sur les stèles funéraires, tenant souvent un instrument de musique (Leclercq-Marx, 1997). Malgré l’importance du caractère funéraire des sirènes grecques, leur fortune est toutefois liée à leur rôle de séductrices. De quel type de séduction s’agit-il ? Si dans l’ Odyssée leur séduction est de nature intellectuelle, une promesse de connaissance, la comédie (fragments de Nicophon, Théopompe et Épicharme) et l’iconographie (Berlin, Antikenmuseum, Staatliche Museen, inv. 4532 ; RVP 272 tav. 100e, 330 av. J.‑C. environ), qui nous transmettent l’imaginaire de la culture populaire, témoignent du caractère sensuel des sirènes. La culture maté- rielle conforte cette thèse car la figure de la sirène est souvent associée aux objets de la toilette féminine : miroirs, vases à parfum (aryballoi) et boucles d’oreilles. Cette dimension érotique sera retenue par les exégètes alexandrins qui identi- fieront les sirènes à des courtisanes et aura une influence considérable sur l’ima- ginaire de l’Antiquité tardive. La nature sensuelle et trompeuse des sirènes sera ainsi au fondement de l’exégèse homérique des Pères de l’Église et, par leur biais, transmise à la culture moyenâgeuse. Enfin, les modalités de la mort des sirènes du mythe ne sont évoquées que très tardivement par des témoignages littéraires (Lycoph., Alex. , 712‑727), mais elles sont documentées dans l’iconographie dès le v e siècle av. J.‑C. : les sirènes

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