Sirène | Bortolotto, Chiara

Sirène 1390 Sirène En 2008, The Resistance, un groupe militant chrétien basé aux États-Unis, lan- çait un appel au boycottage de Starbucks en raison de la nature qu’il jugeait scan- daleuse de son logo représentant une sirène « aux jambes écartées, comme une prostituée ». Starbucks avait, en effet, repris son logo d’origine, tiré d’une image de sirène bicaudée du xvi e siècle, par la suite stylisée dans la forme actuelle. Cet épisode témoigne de la persistance d’une image, des significations symboliques qui lui sont associées et de leur capacité d’agir à travers les cultures. Cet article retracera les itinéraires de très longue durée de cette « image survivante », itiné- raires qui commencent dans la Méditerranée, mais qui se prolongent bien au-delà. L’association la plus emblématique entre les sirènes et la Méditerranée est établie par l’épisode de l’ Odyssée ( Odyssea , XII, 39‑54, 154‑200). Selon les deux traditions principales produites par les commentateurs anciens de ce poème, Ulysse aurait rencontré les sirènes au large de la Sicile, près de Messine (cap Peloro), ou en Campanie dans le golfe de Salerne (sur les rochers de Li Galli). Les tombeaux des sirènes et les cultes qui leur ont été consacrés sont également localisés dans le golfe de Naples dont la sirène Parthénope est l’héroïne épo- nyme. Ulysse, suivant les conseils de Circé, bouche les oreilles de son équipage avec de la cire pour éviter que le chant des sirènes ne les charme et ne conduise son navire au naufrage, et se fait lier au mât pour pouvoir l’écouter sans y suc- comber. Le récit homérique fait des sirènes les séductrices des marins mais ne nous donne cependant aucune description de ces dernières, évoquées unique- ment par leur voix. Alors que, depuis le vi e siècle av. J.‑C., la peinture vasculaire témoigne de l’identification des sirènes rencontrées par Ulysse à des femmes-­ oiseaux (Bâle, Antikenmuseum, BS 425, 590 av. J.‑C. ; Boston, Museum of Fine Arts, 01.81.00, 575‑550 av. J.‑C.), il faudra attendre le iii e siècle av. J.‑C. pour trouver une description de leur apparence dans les textes littéraires. Hormis une mention rapide dans l’ Hélène d’Euripide (Eur., Hél ., 164‑173), c’est en effet seulement dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes que leur nature hybride est clairement mentionnée : « elles ressemblent en partie à des oiseaux

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