Reclus, Élisée | Cattedra, Raffaele

Reclus, Élisée 1343 qu’à l’impérialisme de la Grande-Bretagne sont bien connues, Reclus a un regard neutre et même positif sur la « valorisation » coloniale française du ter- ritoire de l’Algérie (Giblin, 1981). Jean-Marie Miossec met en exergue à quel point Reclus produit une « apologie […] du caractère agraire de la colonisa- tion de peuplement de l’Algérie » (2009) et semble pris au piège de stéréotypes et d’ethnotypes dans son interprétation culturelle du Maghreb, accentuant par exemple la dichotomie Berbère/Arabe, alors qu’on pourrait s’attendre à une dis- position dans laquelle à l’esprit libertaire du géographe corresponde une vision égalitaire des peuples de la Méditerranée. Les contradictions sur ces thèmes sont singulières et le débat reste ouvert (Deprest, 2012 ; Ferretti et Pelletier, 2013). Car son point de vue sur la portée des Arabes dans le passé est très différent, par exemple, quand il écrit explicitement – en conclusion de son chapitre sur l’Espagne – que « les Arabes du Guadalquivir ont été les maîtres et les éduca- teurs de l’Europe en astronomie, en mathématique, en mécanique, en médecine, en philosophie : l’ingratitude et la mauvaise foi ont seules pu leur contester ce mérite » ( ngu , I, p. 906). Cette reconnaissance de la valeur culturelle de l’Islam et de la civilisation judéo-arabo-berbère à l’époque d’al-Andalus s’accompagne aussi du souhait que « le génie inventif des musulmans d’Espagne se réveil- lera peut-être un jour chez leurs descendants : c’est assez de plusieurs siècles de sommeil ! » (Ibid.) L’actualité du regard de Reclus sur la civilisation réside néanmoins dans le fait que la dimension identitaire reste « partie intégrante de la modernité du Monde » (Liauzu, 1994, p. 135). Sans vouloir faire son éloge, l’identification et l’affirmation d’une valeur universelle que Reclus attri- bue aux villes et aux monuments de l’Andalousie judéo-musulmane le posent encore une fois comme un précurseur, quand il énonce en quelques mots les principes qui seront à la base du concept actuel de Patrimoine mondial de l’hu- manité, et que l’Unesco ratifiera officiellement avec une convention, un siècle après, en 1972 : « Les souvenirs de l’histoire, plus encore que la splendeur des monuments, ont fait de ces vieilles cités mauresques la propriété commune, non seulement des Espagnols, mais aussi de tous ceux qui s’intéressent à la vie de l’humanité, au développement de la science et des arts. » ( ngu , I, p. 745.) Raffaele Cattedra ➤➤ Al-Andalus, Braudel (Fernand), climat, colonisation, cosmopolitisme, empires coloniaux, géographie, géologie, îles, mer, modernité, patrimoine, peuple- ment, « race » méditerranéenne, stéréotypes

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