Reclus, Élisée | Cattedra, Raffaele

Reclus, Élisée 1342 elle-même) : l’urbanité, le prestige des espaces monumentaux, la modernisa- tion due aux grands aménagements urbains (comme à Barcelone par Cerdà), l’animation sociale des espaces publics et de promenade, le cosmopolitisme : « Dans la Région Méditerranéenne, il arrive que l’amour de la ville, au lieu de peupler la campagne de banlieue, la dépeuple au contraire. Le grand privilège de pouvoir discuter les intérêts publics a, par tradition, changé tout le monde en citadins. L’appel de l’ agora comme en Grèce, de la vie municipale comme en Italie, attire les habitants vers la place centrale où se débattent les affaires communes, plus encore sur les promenoirs publics qu’entre les murs sonores de la maison de ville. » (1905, V, p. 372.) L’« amour de la ville » dont Reclus parlait, à la veille de sa disparition, semble constituer l’un des caractères essentiels du processus d’urbanisation et de littoralisation du bassin au xx e siècle, et est à la base de ce qui sera défini comme le modèle de la ville compacte méditerranéenne. Avec méticulosité, par sa propre connaissance de terrain et en s’appuyant sur des statistiques ou en les critiquant, il décrit les sociétés urbaines composites qui animent les grandes villes, les ports et les capitales de la Méditerranée, du point de vue tant social que confessionnel et ethnique (c’est-à-dire de la « race »). Il met en exergue ce cosmopolitisme prémoderne et d’emprise coloniale, comme on le dirait aujourd’hui, qu’il perçoit notamment dans les villes se situant dans l’Orient méditerranéen, alors encore sous influence ottomane : Constantinople, Alexandrie, Le Caire, Jérusalem, Beyrouth, Saïda, Salonique… Un cosmo­ politisme, saisi comme un caractère fondateur de l’urbanité, qu’on retrouve également, en relation aux fonctions d’échange des grands ports, dans l’analyse de villes comme Marseille, Venise, Alger, Tanger, Tunis, Tripoli. L’attention qu’il montre pour la complexité sociale et la diversité des villes du bassin se joint à l’intérêt qu’il porte à l’héritage architectural et aux valeurs civilisation- nelles exprimées par les villes historiques. Si du point de vue culturel Reclus s’inscrit dans la pensée de son époque qui n’exclut pas un rôle dominant de l’Europe ni la fonction civilisatrice de la Grèce sur la Méditerranée, il met toutefois en exergue l’apport d’autres cultures, comme les cultures phénicienne et égyptienne ; une dimension qui sera d’ailleurs ample- ment reconnue par Paul Valéry (1933), lequel toutefois fera lui aussi abstraction de l’héritage reclusien sur la Méditerranée. Mais des ambiguïtés subsistent dans le discours du géographe-anarchiste, surtout si on les rapporte à ses propres idées progressistes. L’islam et l’arabisme en sont un exemple. Sur ce point, Claude Liauzu est tranchant quand il écrit qu’ils représentent « pour lui l’adversaire principal de l’universalisation du pro- grès » (1994). Une autre contradiction concerne la colonisation. Si sa critique aiguë et son opposition manifeste à la colonisation de l’Amérique latine ainsi

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