Reclus, Élisée | Cattedra, Raffaele

Reclus, Élisée 1341 géologique s’ajoutent également la flore, la faune et certes le climat. Mais ce der- nier n’a pas un rôle déterminant : c’est une valeur ajoutée, plutôt qu’une condi- tion. C’est la mer, comme on l’a vu, l’« agent médiateur qui modère les climats » (déclinés précisément au pluriel). Si Reclus est contemporain de ce mouve- ment qui conduira, au dernier quart du xix e siècle, à l’identification d’un type de climat méditerranéen , rappelons que la reconnaissance d’une « région médi­ terranéenne » s’opère toutefois avant Reclus, par le truchement de la géographie botanique. C’est à Augustin Pyramus de Candolle que reviendrait en premier l’emploi de ce concept. Il s’agit d’une formule que le botaniste adopte dans divers textes publiés entre 1809 et 1820, distinguant une « région méditerranéenne » parmi vingt régions botaniques de la Terre (Drouin, 1998). En fin de compte, Reclus restitue, au dernier quart du xix e siècle, l’image d’une Méditerranée traversée par des lignes de bateaux à vapeur, circonscrite par des voies ferrées, parcourue par des trains enjambant des ponts ou traversant des tunnels, mise en réseau grâce aux lignes télégraphiques. À titre d’exemple, il pré- voit en visionnaire, grâce à la voie ferrée, le développement commercial, éco- nomique et urbain de l’axe adriatique italien ( ngu , I, 1875, p. 614‑617). Et toutes ces lignes ont comme lieu de départ et d’arrivée des villes-ports : Marseille, Barcelone, Valence, Malaga, Gibraltar, Tanger, Ceuta, Alger, Bougie (Bejaïa), Philippeville (Skikda), Bône (Annaba), Tunis, Tripoli, Benghazi, Alexandrie, Jaffa, Alexandrette (Iskenderun), Izmir, Constantinople, Trieste, Venise, Naples, Livourne, La Valette... L’intérêt pour les villes constitue un autre apport important de Reclus, encore peu étudié, d’autant plus que l’univers urbain fait maigre figure dans la conception géographique de son temps. Il écrit en 1895 un texte intitulé « The Evolution of Cities » et, en reprenant ce dernier, il consacre un chapitre entier aux villes dans le tome V de L’Homme et la Terre , sous le titre « Répartition des hommes » (1905, p. 335‑376). En nous référant plus particulièrement à la Méditerranée, il est possible de faire émerger quelques thèmes saillants de son interprétation permettant d’ébaucher une sorte de géographie urbaine méditer- ranéenne ante litteram (Cattedra, 2009). En premier lieu, il analyse avec une attention à la fois historique, socio-­ spatiale, culturelle et politique l’origine et la fondation des agglomérations, les causes de leurs évolutions, de leur déplacement, de leur affaiblissement ou de leur montée en puissance, de leurs fonctions. Il explore les conditions où le volontarisme politique déroge aux principes « naturels » de la fondation, et il insiste sur le rôle joué par le capital financier. Les considérations concernant le monde citadin méditerranéen constituent les prémices d’un débat qui ani- mera, tout au long du xx e siècle, les diatribes sur l’origine et le modèle de la ville méditerranéenne (et, plus globalement, le débat sur la civilisation urbaine

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