Préhistoire | Bracco, Jean-Pierre

Préhistoire 1309 de l’espèce Homo n’entraînent au sein de l’aire méditerranéenne un accroissement des échanges culturels et géniques pendant cette longue période. La situation est en revanche tout autre à partir d’environ 120 000 ans sous l’effet de deux phénomènes différents mais probablement conjugués. C’est dans la zone proche-orientale de la Méditerranée que se joue ce moment de l’histoire des sociétés paléolithiques. La multiplication des découvertes de restes humains, liée en partie à l’apparition du phénomène sépulcral au sein des sociétés du Paléolithique moyen (Tabun [120 000 ans, Homo neandertalensis ], Quafzeh [100 000‑90 000 ans, Homo sapiens ], Skhul [120 000‑80 000 ans, Homo sapiens ], Amud [60 000‑50 000 ans, Homo neandertalensis ]), signe une longue coexis- tence entre néandertaliens, dont l’origine est à rechercher en Europe, et hommes modernes issus du continent africain. Cette coexistence, qui a entraîné de pro- bables métissages, se traduit dans la culture matérielle par des équipements techniques très similaires qui illustrent un clair découplage entre évolutions bio- logique et culturelle, découplage déjà soupçonné pour les périodes précédentes mais qui prend ici un relief particulier. La Méditerranée démontre qu’il n’y a pas de « cultures », au sens de tradition technique des préhistoriens, liées à un stade phylogénétique particulier, mais que les groupes humains produisent des socié- tés qui ne sont pas seulement la somme des adaptations au milieu par une espèce donnée en fonction de ses possibilités propres. Il n’existe pas de « cultures » de l’homme de Neandertal ou d’ Homo erectus ou de toute autre espèce humaine. Mais c’est également au Proche-Orient, ainsi qu’en Afrique du Nord, qu’ap- paraissent les premiers témoignages – hors sépultures – de la « modernité cultu- relle » avec les éléments de parures en coquillages découverts dans la grotte de Quafzeh et datés de 100 000 ans ou ceux avec traces d’ocre rouge de la grotte des Pigeons au Maroc, datés de 82 000 ans et qui ont été collectés à plus de 40 km de la grotte (Bouzouggar et al. , 2007). Ces découvertes, qui vieillissent considé- rablement l’apparition de cette catégorie de vestiges archéologiques, signent la mise en place de sociétés dans lesquelles la complexité sociale nécessite l’inven- tion et l’élaboration d’éléments symboliques pour en assurer le fonctionnement. La compréhension du développement de ces sociétés de chasseurs-cueilleurs dites « à comportements modernes » sur le pourtour de la Méditerranée souffre d’un manque de données pour l’Afrique du Nord. Sur la rive européenne, la prise de possession progressive des espaces par les Homo sapiens entraîne la disparition des néandertaliens dont les derniers représentants semblent restreints à la pénin- sule Ibérique. Les sociétés du Paléolithique supérieur (37 000 à 12 000 ans bp ), dotées d’un équipement technique performant et d’armes de jet efficaces pour un contexte de grandes hardes mobiles (rennes, bisons, chevaux…) ou plus sédentaires (cerfs…), fondent leur identification et leur maîtrise des territoires par des mani- festations graphiques ostentatoires (parures, décors de l’équipement technique et

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