Pouillon, Fernand | Bonillo, Jean-Lucien

Pouillon, Fernand 1303 L’esquisse d’un syncrétisme méditerranéen Parmi ses premiers chantiers de Marseille, dans le quartier reconstruit du Vieux-­ Port, figurent l’ensemble dit de « La Tourette » (square Protis, 1948‑1953) et l’alignement des immeubles du quai du Port (1952‑1955). Bien loin de l’esprit aristocratique de la ville d’Aix-en-Provence, l’enjeu était ici de traduire l’échelle et le devenir possible d’une métropole cosmopolite. Quoique relevant de situa- tions urbaines différentes – un fragment de ville ordinaire pour La Tourette et un alignement urbain monumental pour les immeubles du quai –, ces deux réponses illustrent la volonté d’expérimenter un syncrétisme d’essence médi­ terranéenne. Aux moucharabiehs en bois et en céramique de La Tourette font écho les terrasses profondes en pierre et l’ordonnance à la « romaine » des immeubles du quai, dont les masses évoquent une présence comme intempo- relle (l’univers métaphysique de De Chirico n’est pas loin). Le rêve d’un mariage Orient/Occident Il n’est dès lors pas étonnant de constater que les expériences d’Aix-en-Provence et Marseille seront conjuguées pour répondre aux trois grandes cités de logements sociaux « commandées » par le maire d’Alger, Jacques Chevallier, en 1953. Sous la pression de l’urgence et de l’action, les premiers contacts de Fernand Pouillon avec les architectures historiques d’Alger restent relativement superficiels. Il se plaît cependant à évoquer deux références pour expliquer l’esprit de ses premières cités de Diar-es-Saada (1953) et Diar-el-Mahçoul (1954) : d’une part, les fortifi- cations turques de la Casbah, dont les appareils de pierre et la rigueur monumen­ tale correspondent à sa sensibilité plastique ; d’autre part, les ensembles de patios, places, cours et jardins de la culture arabo-andalouse, avec leurs portiques, fon- taines, bassins et cascades transposés et réinventés dans les espaces extérieurs col- lectifs des cités. Ce n’est de fait qu’en vertu de ces lointaines filiation et parenté que les architectures turques et mauresques de la médina d’Alger (appelée à tort Casbah) l’intéressent. Et c’est moins pour ses agencements et ses occurrences typo- logiques que comme ensemble et par contraste avec l’urbanisme colonial qu’elle sollicite son regard, comme « une vraie ville dans le désordre agressif des archi- tectures européennes [elle] apparaissait comme une onctueuse crème fouettée, au milieu de la pagaille d’une table au dessert, blanche avec des ombres douces » ( Mémoires d’un architecte , Le Seuil, 1968, p. 169). Dans cette « capitale » de l’Algérie alors colonie française, d’une opération à l’autre se manifeste une évolu- tion certaine du regard qui semble s’aligner sur l’évolution prévisible de la guerre

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