Poésie | Baquey, Stéphane

Poésie 1274 le Hedjaz et dans certaines tribus bédouines une poésie courtoise (dite ‘udhrite ) qu’a amplifiée par la suite le cycle de Majnûn Laylâ . Abû Nuwâs, né vers 757 de mère iranienne et mort à Bagdad en 815, représente une modernité poétique arabe, où l’expression des plaisirs s’éloigne de la morale bédouine. Les poèmes de Hallâj, né en Iran en 857, décapité à Bagdad en 922, ont été rassemblés en un dîwân mystique. Abû l-‘Alâ’ al-Ma‘arri (979‑1058), quant à lui, compose une poésie morale d’un profond pessimisme. Se forme ainsi un répertoire poétique d’une grande richesse qui, se diffusant dans un monde musulman élargi à d’autres langues, a fait des poésies arabe, persane et turque un ensemble culturel doté de traditions proches par leurs genres, thèmes et modes d’inscription sociaux. La poésie arabe classique entre pour sa part en déclin dès avant le xiii e siècle. ces poésies savantes ne doivent pas occulter la présence de poésies populaires, généralement conservées par la tradition orale, que ce soit en arabe dialectal, en berbère, en turc et jusqu’en bosnien. ainsi Yunus emre (xiii e siècle), poète mystique populaire, contemporain du poète mystique persan établi à Konya, Jalâl al-dîn rûmî, est-il l’une des sources de la poésie turque. il a recours à une métrique syllabique, contrairement à la poésie ottomane du divan, qui ne s’est affirmée qu’avec Fuzûlî, au xvi e siècle, sur le modèle quantitatif arabo-persan. Un autre espace de déploiement et de transfert de la poésie arabe est, dans l’oc- cident méditerranéen, al-andalus. les modèles classiques y connaissent des inflexions thématiques, dans la poésie amoureuse (ibn Zaydûn) ou la description de la nature (ibn Khafâja). Surtout, c’est là que s’épanouit une forme nouvelle, différente de la qaçîda et des genres qui en sont dérivés par dissociation théma- tique. il s’agit d’une poésie strophique, avec rimes et refrain : le muwachchah , qui serait apparu au ix e siècle. composé en arabe classique, sa forme a été trans- posée en hébreu puis en arabe dialectal, vers 1100. il est alors appelé zajal (ibn Quzmân). cette forme a donné lieu à d’indécidables débats au sujet de ses rap- ports probables avec la poésie de langues romanes. d’un côté, elle serait dérivée d’une poésie en langue romane hispanique dont elle offre les plus anciens ves- tiges dans les strophes finales de certains poèmes (kharjât) . de l’autre, elle serait un modèle du premier vrai épanouissement de la poésie en langues romanes, au xii e siècle : la poésie des troubadours. Le moment romantique, par sa volonté de rupture avec le classicisme, per- met, en Europe occidentale, une reconsidération de la géographie culturelle du monde méditerranéen, perceptible aussi bien dans le développement des philo- logies consacrées aux littératures médiévales, orientales et populaires, que dans des œuvres poétiques, comme celles de Goethe ou d’Hugo. La poésie des trou- badours est alors rééditée et redécouverte comme lieu de naissance des langues et lyriques romanes (F.-J.-M. Raynouard). Des traductions sont faites de la poésie arabe non plus en latin et à des fins exégétiques, mais dans des langues modernes,

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