Plantes médicinales | Bellakhdar, Jamal

Plantes médicinales 1262 par Dioscoride, mais aussi ceux d’apport spécifiquement arabe et d’autres pro- venant de pays lointains et qui faisaient déjà l’objet d’échanges commerciaux entre peuples de l’Ancien Monde. Ces pharmacopées traditionnelles ont même réussi, en quelques siècles, à incorporer à leurs fonds des produits qui ne nous sont connus que depuis la découverte de l’Amérique et de l’Australie, en nous faisant totalement oublier leur « jeunesse ». On peut ainsi y recenser l’aloès du Yémen et de Socotra, l’encens et le séné d’Arabie, l’ase fétide du Khorassan et d’Afghanistan, la myrrhe d’Érythrée et de Somalie, le benjoin de Java, le nard et le santal de l’Inde, le musc chevrotin du Tibet, le camphre de Chine, la gomme arabique du Soudan, le bois d’agalloche de Malaisie et de Bornéo, l’ébène de Madagascar et de la côte orientale de l’Afrique, le poivre de Guinée, le piment de la Jamaïque, la salsepareille du Mexique, le quinquina des Andes, sans compter les nombreuses épices et plantes à parfums venues de toutes les contrées de notre vaste monde. À titre d’exemple, un rapide examen du droguier marocain révèle que 15 % environ des simples qui le constituent sont des substances exotiques, ce chiffre atteignant même 18 % pour l’Égypte et 19 % pour la Turquie. Un symbole de ce cosmopolitisme important des pharmacopées méditerranéennes est la célèbre thériaque des Grecs anciens qui était une association complexe de constituants provenant de partout et dont il existait plusieurs recettes. Les méde- cins arabes, qui croyaient beaucoup en la synergie, ne manquèrent évidemment pas de s’emparer de ce concept de remède-panacée, lui consacrant même des volumes entiers de formules dans lesquelles se côtoyaient toutes les substances exotiques connues à leur époque. Le râs al-hanût (littéralement la « tête de la boutique », c’est-à-dire l’« inventaire du stock ») des Marocains et des Tunisiens, un médicament composé très utilisé aujourd’hui comme toute-épice, n’est rien d’autre que le dernier survivant de cette thériaque grecque, revue et corrigée par les Arabes. Il rassemble une cinquantaine de simples, dont près de la moitié pro- venant de pays lointains, et s’employait à l’origine comme médicament réchauf- fant, curatif et préventif de tous les refroidissements. Cette diversité dans la provenance géographique des remèdes utilisés tradi- tionnellement en région méditerranéenne, si elle dénote bien la grande récepti- bilité à la nouveauté des pharmacopées locales et leur ouverture sur le monde, n’enlève rien toutefois au caractère principal de celles-ci : leur soumission à l’em- prise de la territorialité. Les pratiques thérapeutiques des peuples méditerranéens montrent, en effet, des marques indiscutables de régionalisme traduisant leur par- faite adéquation à la réalité du pays : des remèdes originaux à mettre en rapport avec l’endémicité d’une partie de la flore locale ; une exploitation maximale des ressources offertes par le milieu immédiatement environnant ; un génie indis- cutable des succédanés locaux et de la substitution ; et, enfin, une valorisation subjective des produits appartenant aux terroirs ou aux patrimoines régionaux.

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