Photographie | Mégnin, Michel

Photographie 1234 intérêts du sultan (1898), ce même Abdülhamid II qui avait envoyé à Londres et Washington 1 800 photographies pour prouver la modernité de son empire : élèves en uniformes, pompiers volontaires, ponts et voies ferrées, bâtiments en construction. Pendant que la photographie jette les derniers feux d’un Empire qui croit à sa survie, en Palestine elle veut surtout prouver la véracité du récit biblique. De Clercq avait déjà photographié l’architecture militaire des châteaux croisés de Syrie quand il reconstitue les étapes du chemin de croix (1860). Avec le studio Bonfils, le chaos de paysages laissés à l’abandon contraste avec l’évi- dence des Lieux saints, puis les photographies de Sonya Narinsky et de Yaacov Benor Kalter annoncent l’arrivée du sionisme, ne trouvant de « réponse arabe » que dans l’activité du studio Raad fondé à Jérusalem en 1910. Cependant, la photographie est aussi très éloquente par ce qu’elle ne montre pas et cette sélectivité lui est évidemment très reprochée : le Maghreb est ainsi une terre immuable et paisible, temps suspendu et paradis retrouvé, vaste sta- tion d’hivernage où tous les plaisirs sont permis. L’envers du décor ? Quelques photographies de « rebelles » jugés en Algérie après 1870, des pendaisons au Bardo, des images de révoltes antijuives, mais rien sur les émeutes et le couvre-feu à Tunis. En Crimée, la mort au combat reste le privilège de la grande peinture, mais quand les studios immortalisent les soldats en uniforme, seul l’hommage post mortem « Gloire à la patrie » fait office de faire-part. Méditerranéen(ne)s « Territoire intermédiaire entre la domination et l’échange » (Cheval, 2009), la photographie s’impose-t‑elle à ceux qui la fuient ? À la fin de son règne, le sul- tan aussi rouge qu’invisible rompt l’interdit de son image et expose au monde entier l’image d’un calife vieilli et isolé parmi la foule. La perte du pouvoir sur son image annonce-t‑elle sa chute ? Cette question de la représentation photo- graphique humaine est au cœur de l’étude de ce « territoire » parcouru par des programmes iconographiques et des traditions culturelles parfois contradictoires. Portraits et types Si les Excursions daguerriennes reproduisent en gravure des personnages rajou- tés au dessin, les premiers photographes multiplient les portraits. En Italie, Girault de Prangey « daguerréotype tout ce qu’il peut : monuments, rues, pifferari, cardinaux ». Avec l’avènement de la photo-carte, les souverains ont leur photographe officiel : Disdéri et Mayer & Pierson pour Napoléon III, Bernoud pour Victor-Emmanuel, Moraites pour le roi de Grèce, Désiré pour Ismaïl Pacha, Garrigues pour le bey de Tunis et les frères Abdullah pour les

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