Phare | Buti, Gilbert

Phare 1219 travaux mécaniques, appareillages électriques ou radioélectriques » ; les gardiens sont désormais des « marins ou ouvriers qualifiés ayant la pratique de la mer ». Au fil du xx e siècle alors que s’intensifie la circulation maritime mais que diminue l’importance de leur rôle, les phares restent présents sur les affiches des grandes compagnies de navigation comme gages de sécurité (Compagnie des mes- sageries maritimes) et apparaissent désormais comme objets publicitaires sur les affiches des compagnies de chemin de fer à destination des stations balnéaires. Les touristes, qui tendent à s’approprier un espace naturel, « sauvage » mais néanmoins encore habité, se pressent auprès des tours, les photographient et envoient des cartes postales. On perçoit également une certaine nostalgie, faisant du phare un lieu d’isolement, de méditation et de rêve comme à Tipasa, sur la côte algérienne, où « à gauche du port, un escalier de pierres sèches mène aux ruines, parmi les lentisques et les genêts. Le chemin passe devant un petit phare pour plonger ensuite en pleine campagne. Déjà, au pied de ce phare, de grosses plantes grasses aux fleurs violettes, jaunes et rouges descendent vers les premiers rochers que la mer suce avec un bruit de baisers » (Albert Camus, Noces , 1939). L’abandon des phares commence à partir du milieu du xx e siècle avec leur pro- gressive automatisation et la présence, à leur tête, d’hommes issus d’un nouveau corps, celui des électromécaniciens de phare. Dans les années 1990, le guidage des navires, grâce à la géolocalisation par satellite ( gps ), fournit aux navigateurs de précises indications à l’approche des rivages. Les gardiens de phare au large sont alors remplacés par des servomécanismes, et les bateaux-feux, jadis habi- tés, ont cédé leur mouillage à des bouées phares automatiques. Ainsi en est-il du phare de Planier, automatisé depuis 1986‑1992, alors que les navires passent plus nombreux au large de Marseille pour se rendre à Fos-sur-Mer. Une asso- ciation de défense du site a été créée mais, si le phare a été partiellement ins- crit aux Monuments historiques en 2002, il est interdit d’y accoster. Une vague médiatique déferle désormais sur les phares avec la dernière phase de leur auto- matisation et l’abandon des sites par le personnel. La photographie de phares est devenue un genre, les reportages télévisés se multiplient tandis que les gardiens deviennent les héros d’une production littéraire (Camilla Läckberg , Le Gardien de phare , 2013) et cinématographique (Philippe Lioret, L’Équipier , 2004). Ainsi, les phares, qui n’ont cessé de nourrir l’imaginaire, entrent dans le patrimoine au moment où cesse l’activité de ceux qui les habitaient et où leurs modes de ges- tion touristique sont en cours de réflexion. « Tandis que leur efficacité en tant que maillon d’un réseau technique et territorial de sûreté maritime s’amenuise, on découvre que les phares, construits pour signaler la terre aux marins, ont une autre vertu : annoncer la mer aux terriens ! » (Guigueno, 2002, p. 424.) Gilbert Buti

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