Phare | Buti, Gilbert

Phare 1218 Le quotidien monotone est construit sur la répétition des mêmes séquences et des mêmes gestes, chaque jour et chaque nuit. Ainsi que l’observait Alphonse Daudet : « À minuit, le gardien se levait, jetait un dernier coup d’œil à ses mèches, et nous descendions. Dans l’escalier on rencontrait le camarade du second quart qui montait en se frottant les yeux […]. Avant de gagner nos lits, nous entrions un moment dans la chambre du fond […] et là, à la lueur de sa petite lampe, le gardien écrivait sur le grand livre du phare toujours ouvert : “Minuit. Grosse mer. Tempête. Navire au large”. » ( Lettres de mon moulin , 1866.) La solitude et l’éloignement, qui sont parfois sources de mélancolie, conduisent le poète à imaginer que dans le phare de Sète : « Afin de tromper son cafard, / De voir la vie moins terne, / Tout en veillant sur sa lanterne, / Chante le gardien de phare […]. » ( Fernande , chanson de Georges Brassens, 1972.) Ce rituel était interrompu par la relève. Pour les phares isolés en mer, l’évé- nement est banal quand le bateau vient à quai, mais spectaculaire et périlleux quand il faut utiliser, qui plus est sur une mer agitée, une corde lancée entre le bateau de la relève et le phare. La durée du séjour des isolés dépend du nombre de gardiens affectés au phare : dans ceux où il n’y a qu’un seul gardien la relève est faite tous les 15 jours, où il y a 3 gardiens, tous les 45 jours et tous les 50 jours, où il y a, comme à Planier, 6 gardiens. Avec un système assez complexe de remplacements, un gardien restait deux semaines au phare avant de revenir une semaine à terre. L’accès est parfois également délicat pour les phares qui ne sont pas situés en pleine mer. Pour atteindre Faraman, en Camargue, tour bâtie en 1840 et recons- truite en 1892, les gardiens doivent utiliser, dans un complexe agencement de voies d’eau et de digues, le canal de Faraman, la « draille des lapins », puis le chemin qui va à la machine en franchissant le pont établi sur le canal d’alimen- tation du salin. Un vocabulaire empreint de religiosité est employé dès le début du xx e siècle pour décrire la vie des gardiens, ces « vigiles de la mer » ou « sentinelles de l’océan », alors que se développe un tourisme balnéaire et que les vacanciers se voient proposer la visite au phare avec rencontre du gardien. Convoqué par la littérature, recherché par les médias et écouté par les visiteurs, le gardien devient le « passeur » d’une histoire des phares jalonnée de récits fantastiques et mor- bides entretenus par la presse illustrée. Les innovations techniques intervenues au cours du xix e siècle imposent une réelle qualification professionnelle pour exercer le métier de gardien de phare. Le recrutement prioritaire d’anciens militaires, y compris d’hommes frappés d’in- validité, qui avait cours jusqu’au début du xx e siècle, n’est plus guère de mise à partir des années 1930 quand les gardiens de phare sont recrutés « parmi les contremaîtres ou ouvriers de métier aptes au commandement, et experts en

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=