Phare | Buti, Gilbert

Phare 1217 précédé, sa visibilité était plus nette, y compris par temps de brume. Les carac- téristiques optiques, les portées, les secteurs de visibilité, les couleurs, les rythmes et séquences des éclats ou des occultations sont mentionnés dans les Livres des feux et des signaux de brume . Le xix e siècle est assurément celui de l’âge d’or de la signalisation maritime. En France, deux auteurs lui ont accordé une grande importance dans leurs œuvres : Jules Verne, qui célèbre à travers eux le pro- grès scientifique (Le Phare du bout du monde) , et Victor Hugo, qui campe la figure emblématique du gardien de phare, appelée à servir de support à d’ul- térieures représentations théâtrales puis cinématographiques (Jean Grémillon, Les Gardiens de phare , 1929). La frontière entre la réalité documentaire et la fiction n’est pas toujours très nette, comme c’était déjà le cas dans la nouvelle pionnière d’Alphonse Daudet Le Phare des Sanguinaires , 1869 (Jean-Christophe Fichou). D’ailleurs, avant de s’embarquer pour la mer Rouge, Albert Londres a dédié son ouvrage Marseille, porte du Sud à ce « grand ami inconnu pour qui longtemps je fus ingrat, au gardien du phare de Planier qui, à chacun de mes départs, de mes retours, semble balancer la lampe à la fenêtre, pour me dire au revoir ou bonjour ! ». Les récits dont ces gardiens sont les héros mêlent souvent à l’exil géographique du lieu de travail l’exil social, le solitaire au solidaire ; toutefois force est de recon- naître que la vie des premiers « portiers du passage » (Michelet, La Mer ), prêtres d’Alexandrie ou moines de l’abbaye bénédictine de Saint-Mathieu de Fine-Terre (Bretagne, xiii e siècle), est peu connue. Ce n’est qu’à la fin du xviii e siècle et sur- tout à partir du milieu du xix e siècle, alors que l’aménagement des côtes françaises est confié par l’État à l’administration des Ponts et Chaussées, que les règlements et les cahiers de veille fournissent des indications sur ces « gardiens du feu, anges ou démons selon les fantasmes de chacun » (Guigueno, 2012). Un système de contrôle rigoureux est mis en place avec inspections des sites par des ingénieurs et conducteurs de travaux publics, le port d’un uniforme est imposé aux gardiens qui sont désormais des fonctionnaires et une stricte hiérarchie de la profession est définie ; des femmes, choisies parmi les veuves et les épouses de gardiens titu- laires, apparaissent également avec un statut d’auxiliaire pour prendre soin des plus petits feux. D’anciens clichés montrent parfois les gardiens de phare entourés de leur famille ; ce rapprochement est encouragé par l’administration des Ponts et Chaussées dans la seconde moitié du xix e siècle dans les phares desservis par un seul gardien car « cette disposition a non seulement l’avantage d’améliorer le sort du gardien, mais encore de donner l’assurance qu’il sera suppléé en cas de besoin dans son service, lequel est tellement facile qu’il peut être remis acci- dentellement à une femme ou même à un enfant ». Pour ces gardiens, seuls ou en famille, l’architecture des phares accorde une place aux logements dans leur soubassement ou dans des bâtiments séparés.

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