Pèlerinage | Albera, Dionigi

Pèlerinage 1196 religion effectue un revirement rapide par rapport à ses orientations antérieures, en opérant désormais une sacralisation diffuse des réalités matérielles. Cela était sans doute une ressource importante dans les batailles qu’elle menait pour assu- rer son triomphe définitif dans l’Empire romain. Une nouvelle géographie sacrée se met ainsi en place, qui remplace celle du paganisme. Des sanctuaires – parfois modestes, parfois fastueux – sont construits sur les emplacements connectés aux souvenirs bibliques (vétérotestamentaires ou néotestamentaires), aux martyrs et aux personnages saints. La nouvelle topo- graphie sacrée effaça les signes du paganisme et engloba les références vétéro­ testamentaires dans sa logique conquérante, en s’enrichissant au fur et à mesure de nouveaux éléments. Se mit ainsi en place une chorographie articulée où les événements relatés par les Écritures (plus ou moins canoniques, plus ou moins apocryphes) se faisaient signes concrets et matière tangible, à voir et à toucher. Ce fut l’établissement de cette chorographie qui accompagna l’essor des pèleri- nages vers celle qui était désormais appelée la « Terre sainte ». Même si l’on ne dispose pas de données précises, il est certain que ce phénomène prend alors de l’ampleur. Et naturellement, les pèlerins participent de la création d’une Terre sainte chrétienne, en projetant sur le paysage palestinien la mémoire de l’Évan- gile. Ils contribuent à faire de Jérusalem un modèle universel, qui sera exporté et reproduit dans de multiples lieux de la Chrétienté. Le pèlerinage en Terre sainte constitue un trait récurrent jusqu’à nos jours, malgré quelques périodes de diffi- culté d’accès, voire de fermeture, après tout assez exceptionnelles. La diffusion des pèlerinages dans l’ensemble de l’espace méditerranéen est favo- risée par le développement du culte des saints. On visite les saints vivants, comme les ascètes d’Égypte, de Syrie et de Palestine de l’Antiquité tardive. Surtout, on se rend sur les tombes des saints et des martyrs, ou dans les sanctuaires qui accueillent des restes matériels de leurs corps. Les pèlerins cherchent un contact direct avec la force spirituelle dont ces lieux sont chargés, se traduisant par un foisonnement de miracles, méticuleusement consignés dans des recueils hagiographiques. Parmi les centres d’attraction, Rome et Constantinople acquièrent un rôle prééminent, grâce à la profusion des reliques qu’elles détiennent. D’autres pèlerinages avaient un caractère plus régional. À Éphèse, le 8 mai, les pèlerins butinaient la pous- sière miraculeuse déposée sur la tombe de saint Jean ; à Carthage, on se recueil- lait sur la tombe de saint Cyprien ; à Saragosse, on honorait la tunique de saint Vincent ; à Marseille, on visitait le tombeau de saint Victor. Au cours du Moyen Âge se diffuse la pratique du pèlerinage pénitentiel. Effectué en réparation de certains péchés, il peut être prescrit par les tribunaux ecclésiastiques et civils. Dans un esprit similaire, les pèlerins se mettent en marche pour bénéficier d’une remise de la peine qui les attend après la mort pour expier leurs péchés, en gagnant ainsi une indulgence partielle ou plénière (dont les livres

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