Pèlerinage | Albera, Dionigi

Pèlerinage 1195 Christianisme Si le judaïsme a reconnu la pleine légitimité à une seule destination des pèle- rins (les autres déplacements pieux étant périphériques, au profil incertain sur le plan théologique et, en tout cas, distincts sur le plan terminologique par rap- port au « vrai » pèlerinage), dans le christianisme, on a assisté à la floraison d’un vaste assortiment de lieux de captation des mouvements de fidèles, sans l’ins- titution d’une hiérarchisation univoque. L’unification terminologique sous le label de « pèlerinages » d’un ensemble bigarré de manifestations dévotionnelles est indicative de cet état de fait. À certains égards, cela témoigne du caractère plus « démocratique » des déplacements dévotionnels et manifeste une conti- nuité structurelle par rapport aux sacralités diffuses des religions polythéistes. Certes, la Terre sainte a gardé un statut particulièrement important, mais, que l’on visite Jérusalem, Lourdes ou un petit sanctuaire de campagne à la renom- mée confidentielle, l’acte accompli est toujours qualifié de « pèlerinage ». Cette configuration s’est mise en place progressivement. Au cours des tout premiers siècles du christianisme, il est difficile de parler de véritables pèlerinages. Pendant cette période, les courants dominants du christianisme se sont éloignés de la Jérusalem terrestre ; ils ont privilégié l’attente de l’avènement de la Jérusalem céleste, en mettant l’accent sur un culte purement spirituel, sans ancrage topo- graphique précis, d’autant plus que les conditions d’existence des groupes chré- tiens dans l’Empire romain auraient rendu difficile d’afficher des formes très extériorisées de vénération. La mobilité religieuse prend alors d’autres formes, comme la peregrinatio , conçue en tant qu’errance ascétique, avec une prédilec- tion pour les marges des lieux habités, et non pas comme voyage vers des lieux saints avec des buts dévotionnels. L’orientation intime du sentiment religieux admet cependant des excep- tions. En Palestine, des sites bibliques ont vraisemblablement attiré des visites de chrétiens, tout comme certains lieux liés au récit néotestamentaire. Au ii e et au iii e siècle, on pouvait visiter une grotte sur le mont des Oliviers où Jésus aurait enseigné à ses disciples, ou bien une autre grotte à Bethléem où, d’après Origène, une crèche témoignait de la naissance du Sauveur. Mais les chrétiens qui, comme Origène, se rendaient en Palestine sur les sites bibliques (ou, du moins, les chrétiens qui en ont laissé des témoignages écrits) le faisaient surtout dans un but d’étude et de documentation, plutôt qu’animés par une véritable démarche pèlerine. Pour sa part, le culte des martyrs ne se dégage pas encore pleinement, à cette époque, des honneurs habituellement rendus aux morts. Tout change à partir de Constantin. C’est en effet au iv e siècle que débute la véritable histoire des pèlerinages chrétiens. Une fois devenue légitime, la nouvelle

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