Pèlerinage | Albera, Dionigi

Pèlerinage 1200 Le paysage méditerranéen est ainsi jalonné par une panoplie de sanctuaires qui ont fait, et qui souvent font encore l’objet de visites pieuses de la part de fidèles d’une autre religion, avec des formes variées d’imbrication cultuelle et de mixité dévotionnelle. Plus généralement, les pèlerinages ont propulsé les contacts entre popula- tions différentes et contribué à la connaissance réciproque entre les peuples de la Méditerranée. Des récits échelonnés sur plusieurs siècles ont fixé ces connais- sances, en permettant leur circulation et leur transmission d’une génération à l’autre. Limitons-nous à quelques exemples. Ibn Jubayr, secrétaire du gouver- neur de Grenade, entreprend en 1183 un pèlerinage à La Mecque. La narra- tion de ce voyage, ou Rihla , concerne largement ses périples méditerranéens. Ibn Jubayr s’embarque à Ceuta sur un navire génois pour se rendre à Alexandrie, début du trajet terrestre de son pèlerinage vers le Hedjaz. Il décrit avec brio cette traversée et les expériences qui l’ont accompagnée. Certains pèlerins juifs qui franchissent la Méditerranée pour atteindre les Lieux saints en Palestine, comme Benjamin de Tudèle (xii e siècle) ou Obadia de Bertinoro (xv e siècle), ont à leur tour laissé des descriptions captivantes des territoires et des peuples qu’ils ont connus lors de leur périple méditerranéen. « La mer Méditerranée est la mer par laquelle on parvient en Terre sainte », affirme Ludolph de Sudheim, curé en Westphalie, qui sillonne la mer Intérieure au xiv e siècle. Dans son récit de pèlerinage, il donne une description vivace, même si parfois approximative, des terres qu’il côtoie : éruptions de volcans, dangers, tempêtes, poissons fabu- leux s’y succèdent, alternant avec la vision de contrées fertiles et prospères. Encore plus passionnante est la saga des pérégrinations dans l’espace médi­ terranéen écrite par Félix Fabri, moine dans la ville d’Ulm, qui se rend deux fois en Terre sainte vers la fin du xv e siècle. Dans ses pages, il rend un vibrant hommage à la mer Intérieure et à sa faculté de relier des peuples différents. Citons-en au moins un passage : « Ainsi, il arrive que ceux qui étaient étran- gers, par le lointain, vivent, par la navigation, en affection. Qui, en effet, aurait cru que le frère Félix Fabri deviendrait compagnon des infidèles et ami de la maison des non-baptisés ; qu’il ne pourrait s’empêcher d’applaudir un Turc, qu’il serait assis de manière familière avec un Sarrasin, ami avec un Tatare, obéissant envers Arabes et Égyptiens ; qu’il présenterait ses hommages à Mahomet et qu’il redouterait les Barbares ? Tout cela vient de la mer qui les lie. » Dionigi Albera ➤➤ Bible, empire, fête, frontière, juifs, Marie, martyr, médecine, mer, mono- théisme, musique, navigation, paysage, voyage

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