Pèlerinage | Albera, Dionigi

Pèlerinage 1198 Dans l’univers musulman, à côté du pèlerinage à La Mecque, il existe une foule d’autres déplacements pieux. Le monde chiite a, quant à lui, un ensemble de lieux de pèlerinage qui lui sont propres, tels Najaf, où un sanctuaire renferme- rait la dépouille de ‘Alî, le gendre du Prophète, et Karbala, où se trouve la tombe du fils de ‘Alî et de Fatma, Husayn. Ces pèlerinages enregistrent une immense affluence et ont une résonnance symbolique fondamentale pour tous les chiites. La visite pieuse des tombes de certaines figures charismatiques n’est pas réser- vée au chiisme. Dans l’ensemble du monde musulman, les tombes des saints ont toujours entraîné d’innombrables déplacements dévotionnels. Prophètes bibliques, personnages coraniques, protagonistes de l’histoire islamique, mys- tiques soufis, figures locales aux contours souvent évanescents, toute une pro- fusion de saints attire les pèlerins dans les terres de l’Islam. Le vocabulaire qui définit les déplacements dévotionnels est dans ce cas distinct de celui qui s’ap- plique au pèlerinage « institutionnel » à La Mecque. La visite individuelle ou collective des tombeaux et cénotaphes des saints, effectuée à tout moment de l’année, est appelée ziyâra . Les dévots accomplissent une série de rites et demandent l’aide du saint pour des questions de différentes natures (fertilité, réussite, guérison, etc.). Des pèlerinages collectifs réunissant des foules considérables ont lieu à l’oc- casion de la fête annuelle du saint. Des milliers de personnes se rassemblent durant plusieurs jours dans les alentours du sanctuaire, dans une atmosphère où les manifestations de piété se fondent avec les kermesses d’une fête foraine. Ces fêtes de pèlerinage sont appelées moussem dans le Maghreb et mouled en Égypte. Même s’ils ont connu un certain déclin au cours des dernières décen- nies, avec la montée en puissance d’un islam rigoriste et épuré dans ses sociétés, ils conservent encore souvent une bonne vitalité. Tentons de cerner rapidement, de manière forcément un peu grossière, quelques traits communs des pèlerinages dans les trois religions monothéistes. Le pèlerinage est une pratique qui engage pleinement le corps et accorde une marge d’autonomie aux laïcs. Son contrôle par les hiérarchies religieuses n’est pas aisé, aussi bien du point de vue de l’exubérance de certaines manifestations dévotionnelles que de celui des débordements festifs qui accompagnent réguliè- rement les grands rassemblements des foules pèlerines. Dans les trois religions, on constate ainsi une ambivalence des autorités religieuses vis-à-vis du pèleri- nage : levier important pour promouvoir la ferveur religieuse des masses, il relève en même temps d’une sacralisation des lieux et des objets qui gêne la transcen- dance monothéiste. La centralisation du pèlerinage juif, avec l’exclusion de tout autre déplacement pieux, a représenté une tentative pour résoudre cette contra- diction. De même, en islam, seul le hajj est incontesté ; les autres pèlerinages ont un statut incertain et ont souvent été vus comme des pratiques blâmables

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