Peinture | Pouillon, François

Peinture 1184 représentés. D’un monde codé de la représentation des Saintes Écritures asso- ciée au pouvoir, émerge lentement une architectonique où le portrait, la nar- ration héroïque, mais aussi la nature morte, le paysage et des déclinaisons plus spécifiques comme les marines, les trompe-l’œil ou les chevaux, se constituent en « genres » mobilisant légitimement des peintres spécialisés. Pendant ce temps, dans le Sud musulman, la représentation figurée reste un privilège réservé à une haute aristocratie, ou rabrouée, cantonnée dans une culture souterraine – un underground en quelque sorte –, celle de l’iconologie chrétienne ou d’une imagerie populaire assez rudimentaire mais reproduite à grande échelle. Le monde ottoman laisse subsister ainsi un art du fixé sous verre qui connaît un assez grand succès dans les villes. Mais le grand art se recroqueville dans les contours savants de la calligraphie, ou de la miniature, manière de cantonner la diffusion des images aux élites cultivées, moins portée pense-t‑on que la popu- lace aux dérives idolâtres. De cette explosion esthétique de la peinture à l’époque moderne, qui se dif- fuse rapidement dans tout le monde chrétien, peut-on isoler une peinture médi- terranéenne ? Grâce à l’empire de Charles Quint, et aux ambitions françaises d’hégémonie culturelle, le courant passe entre les écoles du Nord et celles de la Méditerranée : les « primitifs » de Toscane comme du pontificat d’Avignon vibrent à l’unisson de ceux de la Flandre, et, bientôt, le grand Léonard va aller mourir dans les bras de François I er . Se dégage-t‑il néanmoins un style, une manière méditerranéenne ? On parle souvent à propos de la région de lumière, d’intensité chromatique, de bonheur de vivre. Plaisant anachronisme : peut-on concevoir une peinture plus nocturne que celle du Greco, du Caravage, ou encore celle de Vélasquez ! Ludique, riante dans la thématique ? Goya répondra à cette supercherie par ses gravures en noir sur les horreurs de la guerre. Comme l’a sou- ligné Alain Corbin dans son ouvrage sur le statut du rivage en Europe (1988), il faut attendre encore un peu pour que la côte devienne enfin un espace de bon- heur socialisé, de « vacances ». Peintres de la lumière et du soleil s’il en est, les impressionnistes se sont réu- nis en Île-de-France pour célébrer leur culte. S’il y a des méridionaux parmi eux, et Cézanne est du lot, ce sont majoritairement des hommes du Nord qui vont venir chercher sur cette rive sud matière à sortir de leurs miasmes comme on le fait par ailleurs avec la phtisie. Opposerait-on une peinture de la brume et une autre des couleurs chatoyantes ? Un débat technique s’institue sur cette question du rapport de la lumière et de la couleur (Roque, 2000). Mais ce serait laisser penser que la couleur est un attribut des objets, pas de la vision qui est, elle, tout en contraste. Comme son camarade Gauguin, le Hollandais Van Gogh le découvre dans sa migration vers le sud. Fernand Braudel nous donne la clé de ce paradoxe dans l’ouverture de son maître livre quand il déclare

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