Pêche | Faget, Daniel; Gilbert, Buti

Pêche 1178 réponse aux besoins croissants des nouveaux centres urbains en protéines d’origine animale. Toutefois, la généralisation de cette pratique provoque, dès le début du xviii e siècle, une surexploitation de l’étage infralittoral, particulièrement sur les côtes régularisées dont les fonds sablonneux se prêtent très bien à la traîne. Dès 1750, le constat d’un dépeuplement des eaux commence à être signalé de la Catalogne au Languedoc et à la Provence. Malgré une réglementation officiellement renforcée au sujet des engins et des prises, cette affirmation gagne en puissance durant tout le xix e siècle. Le siècle de l’industrialisation apporte cependant des réponses nouvelles aux besoins toujours croissants des marchés. Celles-ci sont d’abord attachées à l’exten- sion du réseau ferroviaire. Face aux ressources limitées offertes par le littoral médi­ terranéen, l’arrivée dès 1850 dans les grandes villes méditerranéennes du poisson frais de l’Océan révolutionne les modes de consommation des populations de la rive nord et concurrence sévèrement l’activité des pêches locales. La Méditerranée recèle pourtant pour les Européens de sa rive septentrionale une réserve trophique consi- dérée comme inépuisable au xix e siècle, à savoir celle des nouveaux espaces colo- niaux. L’invention du navire frigorifique met les richesses des golfes d’Alger, d’Oran ou deTunis à quelques dizaines d’heures des poissonneries deMarseille ou de la Côte d’Azur, tandis que ne tardent pas à se mettre en place sur la rive sud de puissantes compagnies capitalistes, comme la société Schiaffino, installée à Alger au début des années 1890. La puissance de la vapeur équipe à partir de cette date certains cha- lutiers opérant sur les littoraux d’Afrique du Nord. Elle autorise des pêches abon- dantes, qui attirent dans ces espaces des milliers de marins maltais, espagnols, mais surtout italiens, indispensables vecteurs du peuplement colonial, et dont la présence est légitimée en Algérie par la loi de naturalisation française de 1889. Victime du rapide essor de cette industrie halieutique incontrôlée, l’étroit plateau continental de la côte algérienne connaît un rapide appauvrissement. La dilatation horizon- tale des pêches méditerranéennes ne tarde donc pas à s’accompagner d’une dilata- tion verticale : dès la fin du xix e siècle, des pêches plus profondes se développent sur la rive sud, et les océanologues commencent à vanter les vertus nutritives de certains poissons des profondeurs, comme le requin chagrin (Centrophorus gra- nulosus) , désormais régulièrement proposé sur les étals des poissonneries d’Alger ou d’Oran. À la même époque, les effets cumulés des nouvelles découvertes liées à l’âge industriel facilitent la diffusion dans l’ensemble du bassin méditerranéen d’un braconnage halieutique infiniment plus destructeur que ne l’était l’usage traditionnel de l’euphorbe (Euphorbia lathyris) , de la noix vomique (Strychnos nux-vomica) ou du cyclamen (Cyclamen Europaeum) . La dynamite est en effet massivement employée dès la décennie 1880 de la Provence à l’Algérie et à la Grèce. Recours fréquent d’une pêche côtière marginalisée par l’épuisement des ressources et l’apparition de la vapeur, la pêche à l’explosif peut être considérée comme un révélateur de la crise sociale traversée par ce secteur. C’est pourtant

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