Paysage | Sintès, Pierre; Cattaruzza, Amaël

Paysage 1173 européenne du paysage, dite convention de Florence. Il en va de même pour les sites archéologiques, dont la monumentalité marque de son empreinte le paysage médi­ terranéen (Taormine, Agrigente, Leptis Magna ouTipasa), ou pour le patrimoine architectural urbain, qui ont fait l’objet d’une protection précoce. Aujourd’hui, cet intérêt s’étend aux pratiques culturelles : les pays de la Méditerranée connaissent ainsi seize sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco au titre de « paysage culturel », qui allient des pratiques culturelles traditionnelles et un paysage remar- quable, comme par exemple la plaine de Stari Grad en Croatie, ou encore la côte amalfitaine au sud de Naples. Entre préservation et muséification, la protection de ces éléments patrimoniaux doit être toujours mise en relation avec l’importance du tourisme en Méditerranée. Qu’il s’agisse de son patrimoine (matériel et imma- tériel) mais aussi de son offre culturelle (carnaval de Venise, festival des musiques sacrées de Fès) et de loisir (discothèques d’Ibiza ou de Mykonos), et surtout de l’architecture de ses grandes villes, les éléments qui modèlent le paysage sont les premiers instruments promotionnels du tourisme en Méditerranée. Cette dernière évolution révèle bien les ressorts qui président à la formation du paysage comme image socialement construite. Ce dernier se présente en effet comme une affirmation idéelle, voire idéologique, et s’appuie sur des perceptions modelées par les déterminants socio-économiques ou historiques. Le philhellé­ nisme des élites européennes du xix e siècle s’est appuyé, par exemple, sur la dif- fusion d’images de paysages grecs, agrémentés de ruines telles qu’elles étaient décrites par les récits de voyageurs et attendues par le public (Duchêne, 2003). De la sorte, ces paysages affirmaient eux-mêmes l’argument de continuité recher- chée entre la Grèce moderne et l’Antiquité, afin de justifier le soutien à sa révo- lution. Les États nationaux, au cours de leur formation ou de leur renforcement, aux xix e et xx e siècles, ont pu s’appuyer sur de telles productions idéologiques. Le paysage « type » ou « référentiel » pouvait ainsi devenir un instrument fédérateur, naturalisant par l’image la construction nationale et étatique à travers la promo- tion de hauts lieux, de paysages emblématiques ou archétypiques. Aujourd’hui, la production des images paysagères de Méditerranée suit sans doute aussi cette orientation. La protection, la labellisation et la diffusion des images la concernant sont toujours affaire de choix et de sélections par les acteurs sociaux et peuvent être pensées en termes idéologiques, politiques et économiques. D’un côté, les acteurs sociaux semblent promouvoir l’espace méditerranéen comme lieu de vil- légiature grâce à la forte attraction marketing de son paysage, mais de l’autre, ils fournissent un discours « exotisant », voire « orientalisant » des espaces médi- terranéens qu’ils ramènent aux éléments les différenciant de l’Europe septentrio- nale : toits de tuiles en Provence ou en Toscane, pratique de l’islam sur la rive sud ou dans les Balkans. De la sorte, ils créent de la convergence là où il n’y aurait en fait que l’infinie variété des sociétés humaines et des conditions naturelles et

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