Paysage | Sintès, Pierre; Cattaruzza, Amaël

Paysage 1171 a pu nécessiter des travaux de drainage dans des zones souvent marécageuses et paludéennes, comme à Barcelone ou à Alexandrie. La contrainte généralisée du manque d’eau pour ces villes nécessite souvent des transferts colossaux, qu’il s’agisse des aqueducs romains d’hier ou des transferts tunisiens d’aujourd’hui. L’ incastellamento des villes de l’Europe méditerranéenne ou des médinas du Maghreb, associant architecture haute et rues étroites, peut aussi être vu comme une réponse à la contrainte climatique en même temps qu’aux conditions de sécurité d’un site de défense. Souvent, ces villes pittoresques conservent des liens étroits avec leurs campagnes, au point que l’on parle pour la Méditerranée de paysages agro-urbains. Un ensemble menacé ? La soudaineté des changements de la fin du xx e siècle serait une menace pour ces équilibres (Drain, 1997). Depuis cette époque, le progrès technique a per- mis de domestiquer des plaines jadis marécageuses, et a conduit à la plus grande modification paysagère que cette région a connue. Il s’agit de l’abandon des refuges traditionnels de montagne (Myzeqe, Kabylie, Castagniccia, etc.) pour les plaines littorales et les bassins (Mitidja, Camargue, vallée du Pô ou de l’Èbre). Dans la concurrence mondiale, certaines cultures commerciales, comme la viti- culture, se sont maintenues aux dépens des productions vivrières et des façons traditionnelles (comtat Venaissin, Thessalie). L’intensification qui en découle modifie les paysages : en Italie centrale, la coltura promiscua cède le pas, sauf dans la vallée de Sorrente, en raison de la réputation mondiale de ses citrons. Ces nouvelles activités peuvent s’avérer hautement prédatrices pour les res- sources naturelles et entraîner des dommages irréversibles par l’emploi de pro- duits chimiques ou la surexploitation des nappes phréatiques qui conduit à leur épuisement ou l’intrusion des eaux marines dans le sous-sol côtier. A contrario , l’abandon des campagnes reculées conduit à la fin de leur entretien, facilitant l’érosion et les incendies. Les paysages de terrasses des montagnes médi­ terranéennes sont, à cet égard, les plus fragiles. Ce n’est qu’au sud que l’on trouve encore certaines montagnes fortement habitées comme les Aurès algériens ou la Kroumirie tunisienne. Les paysages urbains ont été aussi bouleversés par l’ampleur de l’urbanisation. Les villes modernes du xviii e au début du xx e siècle, avec des plans souvent en damier, tels que celui des villes coloniales du Maghreb, sont désormais débor- dées par l’extension des périphéries industrielles ou portuaires. Au-delà, l’urba- nisation sauvage, quand la puissance étatique est peu affirmée, peut conduire à des espaces éclatés et à une situation d’instabilité chronique, tels que les borgate

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