Patrimoine | Isnart, Cyril

Patrimoine 1164 pour conserver les sites archéologiques explorés dès le xviii e siècle, les politiques de ségrégation et d’exclusion sur critères religieux ou ethniques, en Égypte ou dans les Balkans, les combats des guerres civiles au Liban ou en Syrie, l’activité sismique comme à L’Aquila en Italie en 2009, et les transformations qui ont touché les zones touristiques des côtes espagnoles ou tunisiennes. Cependant, derrière les urgences réelles de ces situations, la bienveillance et le souci du bien commun sont parfois mis à mal. L’activisme des juifs séfarades est, en Méditerranée, un des principaux catalyseurs des efforts patrimoniaux, qui ne va cependant pas sans susciter des résistances des milieux locaux et des négocia- tions complexes avec les pouvoirs publics. Le réveil patrimonial de cette mino- rité transforme en effet des visions nationales en les ouvrant à la pluralité, parfois transnationale, des héritages locaux, comme Jessica Roda (2011) l’a montré pour le cas de la musique séfarade. On assiste également à ce genre de froissements ou de conflits patrimoniaux plus ouverts entre les institutions muséales natio- nales qui se disputent les pièces archéologiques que les scientifiques occidentaux ont conservées dans les musées universels. L’exemple des frises du Parthénon d’Athènes est souvent commenté et montre la fragilité des systèmes de conserva- tion et les enjeux contemporains du passé. La Grèce réclame le rapatriement de ces pièces archéologiques sur le territoire national, alors que le British Museum souhaite les conserver (Kynourgiopoulou, 2011). Enfin, la question des édifices coloniaux, notamment au Maghreb, constitue une source de tension dans les politiques patrimoniales publiques. Entre les tenants d’un nationalisme patrimo- nial et les défenseurs d’un legs architectural contesté, les dynamiques actuelles font surgir des acteurs qui tentent de faire inscrire les héritages coloniaux dans le paysage patrimonial national, souvent en détournant ou en euphémisant la qualification de « colonial ». Ces frictions locales ou internationales renvoient directement à l’histoire des usages sociaux du patrimoine, notamment durant les périodes coloniales, mais également à la multiplicité des acteurs et aux différents régimes de territorialisa- tion du patrimoine. Se croisent en effet dans le champ patrimonial les instances internationales comme l’Unesco ou l’Icomos, des consortiums d’entreprises vouées à la muséographie ou à la valorisation touristique, des États souverains et les unions interétatiques comme l’Union européenne, mais également des institu- tions culturelles, les membres des diasporas, des associations locales ou régionales, comme les propres habitants des lieux patrimonialisés et les touristes. Le feuil- letage institutionnel, les réseaux d’acteurs et les enjeux économiques insufflent une dynamique sociale, parfois conflictuelle, qui rend compte de la complexité de l’organisation contemporaine du domaine patrimonial. Il fait également sur- gir des fractions de la société (migrants, minorités religieuses, minorités linguis- tiques, groupes politiques, etc.) qui se saisissent du patrimoine pour revendiquer

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