Patrimoine | Isnart, Cyril

Patrimoine 1163 l’architecture d’une ville fortifiée médiévale idéalisée. Inscrite tardivement sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco et haut lieu touristique français, la Cité témoigne des modalités de patrimonialisation des centres historiques qui mobilisèrent les représentations négatives des espaces urbains anciens et les dyna- miques de revalorisation culturelle (Piniès, 2000). On retrouve dans le cas de la Casbah d’Alger, dans une temporalité et un contexte historique tout diffé- rents, une même stigmatisation sociale et culturelle de l’habitat populaire qui devra être renversée par les appels à l’arrêt des restructurations entamées dans les années 1980, qui contribuaient à la dénaturation de la valeur historique de la Casbah (Oulebsir, 2004, p. 305‑308). Cette dynamique patrimoniale des centres urbains est un fait essentiel de la région méditerranéenne, qui touche aussi bien les petites capitales locales, comme dans les îles grecques (Herzfeld, 1991), que les métropoles qui cumulent le tou- risme et d’autres activités économiques (Naples, Lisbonne, Barcelone, Tunis). À la suite de la Casbah d’Alger, les médinas maghrébines s’inscrivent depuis une trentaine d’années dans cette évolution des centres historiques et constituent une version méridionale du patrimoine urbain, dorénavant qualifié d’islamique ou de musulman. Une rhétorique patrimoniale classique s’y déploie, qui permet de justifier le passage d’un lieu autrefois insalubre à l’espace urbain réapproprié par le tourisme et les classes supérieures. Pour autant, ces politiques de valori- sation ne vont pas sans conflits, incompréhensions et soubresauts qui mettent à mal le consensus, parfois superficiel et fragile, des causes patrimoniales. Les causes patrimoniales et les conflits d’acteurs Fondé sur un partage supposé des valeurs historiques et identitaires entre ses promoteurs et le public, le patrimoine culturel est tout autant constitué des traces tangibles du passé que d’un discours de légitimation des choix qui ont présidé à la valorisation de ces éléments. En ce sens, la patrimonialisation se manifeste à travers des compétitions, des conflits, des négociations et mobi- lise des acteurs qui défendent alors la sauvegarde des éléments culturels sur le mode de la « cause commune » qui devrait s’imposer. Au titre des arguments de ces causes, on compte classiquement la perte des ruines antiques et les oublis des mémoires collectives minoritaires, les dommages matériels infligés pendant les conflits armés ou les catastrophes naturelles, les abus du développement du tourisme et de l’industrie, qui atteignent l’intégrité matérielle et effacent l’his- toire d’un lieu. En Méditerranée, ces risques sont particulièrement sensibles et mobilisateurs depuis l’émergence des politiques patrimoniales, trouvant faci- lement un écho local et international : le manque de moyens de certains pays

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=