Patrimoine | Isnart, Cyril

Patrimoine 1162 patrimoine culturel à l’occidentale et de la relative porosité de la société colo- niale. Au moment de l’indépendance, et jusqu’à aujourd’hui, le patrimoine culturel promu par le pouvoir se tourne résolument vers l’héritage islamique, même si le legs archéologique français n’est pas totalement mis de côté. L’Algérie obtient l’inscription par l’Unesco en 1980 de la Kalâa des Béni Hammad (un ensemble médiéval islamique du x e siècle), des ksars (villages fortifiés) de la val- lée du M’Zab en 1982 et de la Casbah d’Alger en 1992. Cependant, en 1982, les sites antiques de Tipasa, de Timgad et de Djémila sont également inscrits sur la liste du Patrimoine mondial. La ville patrimoine Outre les sites archéologiques qui sont parfois excentrés des agglomérations dans lesquelles sont fixés les institutions et les acteurs du patrimoine, comme Pompéi en Italie, la patrimonialisation fut dans un premier temps essentiellement un phénomène urbain. Ce phénomène tient au fait de la continuité de l’occupa- tion des villes antiques et des villes modernes, comme en témoignent de manière paradigmatique les trois capitales Rome, Athènes ou Istanbul. L’accumulation de différentes strates historiques est souvent mise au jour par l’action patrimoniale elle-même, comme dans Le Caire du xix e siècle (Volait, 2009) ou Casablanca de la fin du xx e siècle (Cattedra, 2003). Elle donne à la ville méditerranéenne une prédisposition à la patrimonialisation que la charte de Washington (1987) viendra soutenir et normaliser en promouvant la conservation des centres histo- riques comme des ensembles, s’éloignant de la logique du monument historique isolé. Les villes à préserver apparaissent comme des témoins de l’histoire, de la diversité des cultures mais sont également des lieux de vie contemporains dont il faut parvenir à conserver, selon les mots de la charte, l’authenticité. D’abord considérés comme des lieux peu fréquentables, par la composition sociologique de leur population ou leur configuration architecturale allant à l’opposé des principes de l’urbanisme moderne, les centres historiques sont peu à peu devenus des territoires valorisés, reconvertis, réaménagés et signalés comme les emblèmes touristiques des villes. On pourrait citer de nombreux centres historiques ayant suivi cette évolution, mais l’évocation de la Cité de Carcassonne ou celle de la Casbah d’Alger suffit sans doute à illustrer les ren- versements symboliques et urbanistiques qui affectent les villes méditerra- néennes. Alors que l’enceinte médiévale de Carcassonne est abandonnée par les militaires et qu’une population pauvre s’entasse dans les habitations et ruelles, une ville moderne se développe en contrebas de la forteresse. Vers le milieu du xix e siècle, Viollet-le-Duc s’emploie alors à sauver la Cité et reconstruire

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