Patrimoine | Isnart, Cyril

Patrimoine 1160 La Méditerranée, l’archéologie et le patrimoine Avant que le patrimoine ne devienne un élément clé de l’image de la Méditerranée, les civilisations égyptienne, grecque, romaine ou arabe ont été l’objet d’une appro- priation intense et multiforme par les savants européens des xviii e et xix e siècles. À la suite des voyageurs, historiens, archéologues, géographes ont parcouru des villes antiques, ont décrit des espèces et des configurations géologiques, ont fouillé des sites en ruines, rapporté des pièces archéologiques dans les capitales occiden- tales du savoir (Bourguet et al. , 1998). Ils ont comparé les coutumes et les archi- tectures, les religions et les peuples, en inventant alors le cadre d’une Méditerranée allant de Gibraltar au Proche-Orient. L’Égypte, Rome, Athènes et Alexandrie, autant de lieux qui laissent effleurer les traces de peuples influents et dont on rassemblera, dans les musées universels de Londres, Paris, Berlin ou New York, les témoignages les plus spectaculaires et que l’on analysera dans des publications scientifiques. Dans le même temps, les monuments et les sites deviennent des destinations visitables par un public international fortuné, pris en charge par des compagnies de transport. Débute alors la conversion touristique de l’archéo­ logie méditerranéenne (Zytnicki et Kazdalghli, 2009). Le développement de l’archéologie et de l’histoire de l’art, en tant que sciences intimement associées à la mise en exposition des objets, a ainsi contribué à la formation de l’image d’une Méditerranée recelant les richesses et les vestiges des « génies » des civilisations du passé. Les instances internationales se sont d’ail- leurs accordées sur cette représentation, et c’est au cours du xx e siècle, dans les villes d’Athènes et de Venise, que les premières conventions internationales de protection et de sauvegarde des éléments du patrimoine archéologique et archi- tectural seront proclamées. La charte d’Athènes, adoptée en 1931, prévoit les normes internationales de restauration des monuments historiques et les moda- lités de leur mise en valeur. Outre la confirmation des principes de conservation de l’intégrité des monuments, la charte de Venise, qui complète celle d’Athènes en 1964, ne préconise qu’à titre exceptionnel les déplacements et les restaura- tions, et exclut l’unification stylistique d’un bâtiment, notamment la destruction des traces de son évolution, l’ajout d’éléments contemporains ou la reconstruc- tion in extenso . Si aucune région n’est en particulier citée dans ces textes, la thé- matique de la conservation des sites archéologiques, la localisation des chartes et les signataires et experts impliqués indiquent assez clairement la prédominance des éléments historiques de la Méditerranée, où le processus d’institutionnalisation de la patrimonialisation trouve donc son origine.

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