Parc naturel | Chalvet, Martine

Parc naturel 1144 tout à la fois, la protection des espaces les plus prestigieux comme de véritables sanctuaires de la nature et leur mise en valeur pour une exploitation touris- tique et sportive. Chalets, refuges, centres d’estivage, routes, sentiers, points de vue et tables d’orientation, la nature supposée originelle était alors mise en scène comme un décor à admirer. Les créateurs des parcs nationaux en Algérie privilégiaient donc la protection des sites, la vision, voire la consommation d’un paysage idéalisé, aux dépens de la connaissance du pays et des modes de vie de ses habitants. Leur représenta- tion abstraite de l’espace semblait oublier les hommes, et plus particulièrement l’« indigène ». Pourtant, ces parcs nationaux englobaient parfois des villages entiers. Mais en dépit de cet habitat rural, les principaux droits d’usage y étaient interdits. Accusés de détruire les richesses forestières, le troupeau et son pasteur ne faisaient pas partie du paysage à admirer. Effectuée sur les terrains devenus domaniaux ou, dans une moindre mesure, communaux, la création des parcs nationaux en Algérie consolidait l’étatisation des sols. En multipliant les inter- dictions et les sanctions à l’encontre des pratiques autrefois admises, elle venait renforcer la spoliation effectuée au xix e siècle avec le sénatus-consulte du 22 avril 1863 et l’application dans la colonie du Code forestier français. Correspondant à une politique de domination coloniale, d’appropriation et de réorientation des territoires et de leurs fonctions, les parcs nationaux s’inscri- vaient dans une logique patrimoniale, identitaire et patriotique. Ils favorisaient les nouveaux usages sociaux des élites urbaines « en mal de nature », au détri- ment des anciens usages agricoles et pastoraux des sociétés rurales. Protection de sites et monuments historiques, action d’écodéveloppement et d’écotourisme, le lien entre les parcs naturels et la patrimonialisation de la nature a perduré après la Seconde Guerre mondiale. À l’instar du parc naturel de Gorbeia au Pays basque (1994), certaines régions et les nouveaux États indé- pendants ont adopté, à leur tour, une stratégie d’affirmation identitaire, voire nationale à travers la politique de protection de la nature Néanmoins, dans les années 1960‑1970, puis à partir des années 1990, on a assisté à une réorientation des politiques de protection de la nature. Ce tournant s’est traduit par un nouvel élan avec une forte hausse du nombre des espaces pro- tégés sur le pourtour méditerranéen. Au-delà des États sud-européens, les petites îles (Malte, Chypre), les anciennes colonies ou protectorats de l’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc, Égypte et même la Libye), les pays du Moyen-Orient (Turquie, Liban, Israël, Jordanie), les nouveaux États des Balkans (Macédoine Croatie, Bosnie, Slovénie, Monténégro, Albanie) se sont lancés dans une poli- tique d’espaces protégés. En 2010, un recensement a permis de comptabiliser 172 parcs nationaux méditerranéens sur un total de 229 dans l’ensemble des pays concernés. Cela dit, ces parcs nationaux ne donnent qu’une mince idée de

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=