Parc naturel | Chalvet, Martine

Parc naturel 1143 parc national, s’avérait pratiquement impossible dans des zones encore densément habitées, souvent cadastrées et soumises au droit de propriété. En France, sous la III e République, les ruraux, qui représentaient un poids électoral important, refusaient qu’on leur fermât l’accès à un territoire traditionnellement exploité. Dans ce contexte, placer la nature « sous cloche » avant que l’exode rural n’eût en partie vidé les campagnes, c’est-à-dire avant les années 1960, restait chimérique. En revanche, profitant d’espaces considérés comme sauvages, mais aussi d’un droit colonial très autoritaire, les autorités des États européens installèrent des parcs nationaux ou des réserves naturelles à travers tout l’empire colonial. En Afrique noire et à Madagascar, ces réserves étaient consacrées à l’étude et à l’observation des richesses naturelles tropicales et, surtout, à la protection des animaux et de la flore, pillés par les chasseurs, les aventuriers et les sociétés d’ap- provisionnement en bois. Le parc national forestier d’Aïn Draham et le classement de la forêt doma- niale du djebel Boukornine dans le protectorat tunisien, les treize parcs natio- naux ouverts dans la colonie algérienne et les parcs de Toubkal et de Tazekka dans le protectorat marocain (dahir du gouvernement chérifien, 1934) consti- tuaient une exception dans ce mouvement de protection des richesses coloniales. Certes, il s’agissait bien de protéger la faune et la flore, et de garantir la beauté des paysages et des sites. Toutefois, la création de ces parcs s’inscrivait beaucoup plus dans une logique de préservation patrimoniale des « beautés pittoresques », de création de centres de tourisme et d’estivage pour les visiteurs occidentaux. En Algérie, les parcs nationaux créés entre 1921 et 1931 se concentrèrent sur la partie nord de la colonie, c’est-à-dire la rive méditerranéenne et les zones de montagne relativement humides où se trouvaient de « belles forêts » et des arbres remarquables. Finalement, la délimitation des parcs nationaux s’était faite en fonction des types de paysages et de richesses végétales présents en métropole. En cela, les parcs nationaux étaient présentés comme un témoignage « naturel » de l’unité indissociable de la France et de ses départements d’Algérie de part et d’autre de la Méditerranée. Dans cet état d’esprit, les zones sèches ou, pire encore, le désert étaient totalement oubliés. Il fallait, bien au contraire, admirer des pay- sages vus comme l’incarnation naturelle de la nation c’est-à-dire, pour l’époque, une légitimation de la colonisation. Il s’agissait de fixer des « lieux de mémoire » grâce à l’« histoire naturelle ». En Algérie, la patrimonialisation de la nature, au début du xx e siècle, a renforcé des imaginaires fondateurs, nés au tournant du xix e et du xx e siècle, ceux de l’existence d’une nature et d’un paysage « naturel- lement » méditerranéens. Dans cette nouvelle orientation, « les sites et les curiosités naturelles » étaient envisagés comme des musées présentant une nature idéalisée, voire re-naturalisée, admirée par un nouveau type de spectateur : le touriste. Cette politique visait,

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