Parc naturel | Chalvet, Martine

Parc naturel 1142 anglo-saxonne. Après Les Rêveries du promeneur solitaire , peintres et poètes ont magnifié la « nature sauvage », comme une expression de la perfection divine et de la beauté. La nature sauvage et originelle ( wilderness pour les États-Unis et Wildnis pour l’Allemagne) était devenue le pendant valorisé de la ville, de l’in- dustrie et de la civilisation. Cette conception était alors radicalement opposée à l’héritage de l’Antiquité en Méditerranée. Contrairement aux traditions des peuples voisins considérés comme « barbares », ou vus comme des hommes sauvages (sylvaticii) , les Grecs puis les Romains ont souvent valorisé la cité, la civilisation et les pratiques de culture et non les espaces sauvages et les pratiques de la « vie sauvage ». Aux sylves et aux montagnes, on préférait le jardin aménagé par l’homme : un espace sou- vent clos, considéré comme une oasis de verdure et de fraîcheur, aux terrasses étagées, mêlant les arbres d’ombrage, les arbres fruitiers et les fleurs odorantes, avec des bassins, des fontaines, des cascades et des canaux. Dans l’Antiquité, les jardins mésopotamiens, égyptiens, puis grecs et romains, au Moyen Âge, les jar- dins arabo-musulmans ou hispano-mauresques, à la Renaissance, les jardins à l’italienne, ne reflètent guère une civilisation du parc naturel. Protection de la vallée de Yosemite (1864), ouverture du premier parc national (parc de Yellowstone, 1872), création de la réserve artistique de Fontainebleau (1864), puis d’un parc national en Suisse (1914), les origines du mouvement de protection des espaces sont bien éloignées du pourtour médi­ terranéen. Tout comme l’industrialisation et l’urbanisation, l’élan de protection de la nature y est nettement plus tardif. Il faut attendre les années 1920‑1930 pour voir éclore les parcs nationaux et les réserves en Méditerranée. Et encore, dans la majorité des cas, les espaces choisis ne se distinguaient guère par leur aspect méditerranéen : parc du Grand-Paradis (1922), des Abruzzes ou parc du Stelvio (1935) en Italie, parcs nationaux d’Ordesa et du Mont-Perdu (1918), de la Montaña de Covadonga (1918) en Espagne, parc national du mont Parnasse (1938), parc national du mont Olympe (1938) en Grèce, parc national de la Vanoise (1963), les premiers parcs nationaux en Europe du Sud reprennent le modèle traditionnel de protection des paysages grandioses et inviolés, importé des États-Unis. Au-delà des seules représentations romantiques, ces choix correspondaient à des considérations bien concrètes. Dans une région très anciennement peu- plée, il était relativement facile de classer et de protéger des monuments his- toriques, œuvre des hommes et ciment d’une mémoire commune. Dans une région ayant développé l’agriculture et le pâturage depuis des millénaires, il était difficile de classer officiellement des espaces en parcs naturels, sauf peut-être les espaces de montagne. D’autre part, créer ce type d’espace protégé et donc inter- dire toute exploitation agricole, pastorale ou sylvicole, bref, étatiser l’espace en

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