Parc naturel | Chalvet, Martine

Parc naturel 1141 Grand-Paradis) recouvraient d’anciennes réserves royales de chasse. Toutefois, dans les années 1920, ces créations ne répondaient plus à la perspective de la seule protection de la faune pour favoriser la chasse, vue comme un privilège exclusif des seigneurs, signe de prestige social et de pouvoir. De même, les espaces pro- tégés ne constituaient plus des réserves de futaies destinées à sauvegarder les res- sources forestières afin de mieux les exploiter. Bien au contraire, dans un contexte de bouleversement des paysages et de leur perception lié à l’industrialisation et à l’urbanisation, les « parcs naturels » ne correspondaient plus à une approche utilitariste de la nature. Loin de toute velléité de production, il existait bien au Moyen Âge des « déserts » et des « solitudes boisées », des espaces de prière pour les ermites et les moines. Mais là encore, les nouveaux espaces protégés étaient bien éloignés d’un quelconque mouvement d’érémitisme. Dans le grand élan des progrès scientifiques, du naturalisme et de la botanique ou des nouvelles pratiques sociales de l’herborisation, puis des premiers concepts de l’écologie, il fallait protéger des espèces rares et menacées afin de mieux les observer et les étu- dier. Enfin, il ne s’agissait plus de défendre un patrimoine familial et nobiliaire, signe de distinction sociale et de richesse. Dans le contexte de la construction des nouvelles démocraties et des identités nationales, les politiques d’espaces pro- tégés visaient la sauvegarde d’un espace commun, témoignage vivant et « natu- rel » de la nation. Certes, dans un premier temps, ces projets restaient le fait d’une petite élite se voulant éclairée par le bon goût, les sciences et l’amour des arbres, des paysages et de la nature. Mais cette élite mena un véritable combat pour diffuser et imposer ses idées. Dès le xix e siècle, les naturalistes, les membres des sociétés savantes, les artistes, poètes ou peintres, les défenseurs des forêts regroupés dans des sociétés d’amis des arbres, les agents de l’administration forestière et les membres de clubs de sports, de loisirs et de tourisme militaient pour ouvrir des espaces privilégiés où la nature pourrait « reprendre ses droits », hors de toute intervention anthro- pique. Tous voulaient promouvoir de nouveaux usages sociaux de la nature, l’herborisation mais aussi l’excursionnisme, la randonnée et le tourisme pra- tiqués dans un élan d’amour des paysages et de la nature : en Italie, la Società Pro Montibus et Silvis ; en Espagne, la Sociedad Amigos del Árbol ; en France, la Société des amis des arbres, le Chêne ; dans les colonies, la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord, la Société d’horticulture d’Alger ; et, dans tous ces États, les différents clubs alpins et les Touring-club ; sans oublier en France l’Association des parcs nationaux de France et des colonies (1913). Tous se bat- taient pour diffuser et imposer leurs idées. Présent en Provence, en Italie, en Espagne et dans les colonies au début du xx e siècle, ce combat n’était pourtant pas né sur les rives de la Méditerranée. Il reprenait plutôt l’héritage des romantiques allemands et la tradition

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