Opéra | Lapied, Martine; Lhâa, Alexandre

Opéra 1122 attachement patriotique à l’opéra de Verdi explique les critiques émises par le quotidien égyptien al-Wafd à l’endroit d’Israël à l’annonce de la mise en scène d’ Aida à Massada, événement perçu comme un vol et une provocation, la pre- mière représentation devant avoir lieu le jour anniversaire du déclenchement de la guerre des Six Jours ( al-Wafd , 25 juin 2011). Le festival de Massada, créé en 2010 et inspiré de ceux de Vérone et d’Orange, offre un autre exemple de promotion de l’image d’un pays méditerranéen comme haut lieu du tourisme culturel au moyen de l’opéra et de réappropriation iden- titaire d’une œuvre du répertoire canonique. Les organisateurs ont pleinement joué la dimension méditerranéenne dans la programmation des trois premières éditions : Aida (2011) et Carmen (2012) ont succédé à Nabucco (2010). Cette dernière œuvre, déjà qualifiée d’« authentique histoire sioniste » ( Haaretz , 11 juillet 2003), était présentée dans le programme du festival comme l’« opéra juif majeur de Verdi ». En outre, le site de Massada est devenu, au terme d’un processus complexe, une « métaphore historique » de la résistance active et d’un renouveau symbolique du peuple juif. La directrice de l’Opéra d’Israël consi- dérait cette combinaison comme « plus qu’excitante » ( Hadassah magazine , juin 2011). Le soir de la première, l’hymne national israélien précéda l’opéra, et le public réclama le bis du célèbre « Va pensiero » , qui lui fut concédé. Ce chœur, qui occupe une place si singulière dans la construction de l’identité nationale italienne, résonnait en Israël d’une manière toute particulière, la « patrie belle et perdue » des esclaves hébreux devenant pour le public de Massada celle que revendiqua longtemps le mouvement sioniste. Relectures polémiques En revanche, certaines réinterprétations récentes d’opéras inspirés d’un épisode biblique à la lumière du conflit israélo-palestinien suscitèrent de vives réac- tions de la part de médias israéliens ou proches de la communauté juive ainsi que de plusieurs personnalités : Mosè in Egitto dans la version de Graham Vick (Pesaro, 2011), Moïse et Pharaon dans celle de Jürgen Flimm (Salzbourg, 2009), ou encore Samson et Dalila , dans la mise en scène d’Omri Nitzan et Amir Nizar Zuabi (Gand, 2009). Les créations de Pesaro et de Gand firent scandale en ceci qu’elles procédaient à un renversement des identités, n’établissant pas d’identification entre Hébreux et Israéliens (contrairement à la relecture de l’opéra de Saint-Saëns proposée par Michal Znaniecki, en 2008, à Bologne). GrahamVick subvertissait les identités à double titre, faisant de Moïse un ter- roriste et associant les oppresseurs égyptiens aux Israéliens, au travers notamment de l’évocation du mur de séparation érigé à partir de 2002. Les représentants des communautés juives d’Italie dénoncèrent le rapprochement entre Moïse et

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