Opéra | Lapied, Martine; Lhâa, Alexandre

Opéra 1120 … à la rive sud De la fin du xviii e au milieu du xix e siècle, les représentations des peuples de la Méditerranée musulmane se multiplient sur les scènes italiennes. La plupart des œuvres associent intimement personnages musulmans et violence sanguinaire. La mise en scène de cette violence diffère cependant entre opere buffa repré- sentant les enlèvements d’Européens en Méditerranée et œuvres plus tardives. Dans les premières, la violence verbale : comique dans son expression (à l’ins- tar de l’automatisme de la condamnation à mort chez le dey de L’Italiana in Algeri ), elle ne porte pas à conséquence. Aucun récit ne vient attester son exer- cice passé. Outre le genre de ces œuvres, qui s’accommoderait mal de l’évoca- tion ou de la mise en scène de cadavres, l’absence d’exécutions correspond à la réalité de la captivité des Européens, dans la mesure où ces rapts avaient pour but l’obtention d’une rançon. En revanche, les opéras de la période romantique, composés dans un contexte de conflictualité renouvelée entre les deux rives (expédition de Lord Exmouth contre les régences, guerre d’indépendance grecque, conquête de l’Algérie…), mettent en scène la cruauté des combattants musulmans. Si les soldats arabes de Don Sebastiano re di Portogallo entendent égorger sans pitié leurs adversaires portugais au nom d’un dieu qui « a soif de sang », dans Maometto II , le sultan, ivre de joie à l’annonce de la défaite de ses adversaires, évoque sa monture bai- gnant dans le sang des Vénitiens de Négroponte comme elle avait baigné dans celui des Byzantins lors de la conquête de Constantinople. Enfin, cette violence – associée plus largement à tous les Orientaux – s’exerce dans le cadre du rapport amoureux, commandée par une jalousie mor- bide à laquelle on impute l’invention du harem. L’opéra romantique multiplie, d’Otello à Ismaele (La Schiava saracena) , les personnages d’amants tuant la femme qu’ils aiment dans un accès de fureur jalouse. Usages du répertoire canonique Enjeux touristiques et réappropriations identitaires Parmi les productions lyriques européennes dont l’action se situe sur la rive sud de la Méditerranée, Aida possède la spécificité d’avoir été créée dans le pays même que le livret met en scène. Le khédive avait obtenu de Verdi qu’il composât un opéra pour le nouveau théâtre du Caire. Représenté pour la première fois en décembre 1871, Aida est fréquemment programmé sur la scène cairote et consti- tue depuis un quart de siècle un élément majeur de la politique touristique égyp- tienne. L’opéra de Verdi fut régulièrement mis en scène sur les sites de Louxor

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