Olivier | Albera, Dionigi; Sehili, Samira

Olivier 1111 a généralement cessé dans la plaine du Pô, et ne s’est maintenue qu’autour des lacs lombards et dans quelques zones de collines. Dans la France méridionale, c’est surtout entre le xvi e et le xviii e siècle que se manifeste l’essor de l’oléiculture. Thomas Platter, originaire de Bâle, qui séjourne à Montpellier dans les années 1590 pour y étudier la médecine, note dans son journal que dans les campagnes autour de la ville, les oliviers sont plantés dans les vignes et dans les champs de blé. « L’olive verte est cueillie et salée, pour être expédiée comme apéritif » (p. 201‑202). Les moulins à huile travaillent jour et nuit, depuis Noël jusqu’en avril. L’huile lui semble le prin- cipal objet du commerce du Languedoc et de la Provence, mais seule celle de seconde qualité est exportée (« et expédiée au loin dans des peaux de chèvres »). La première huile qui coule du pressoir (« qui s’appelle huile vierge ») est, quant à elle, réservée à la consommation locale : « on s’en sert dans les ménages en guise de beurre », remarque-t‑il (p. 202). Cette notation de Platter montre un contraste entre la tradition culinaire de l’Europe continentale à laquelle il appar- tient, où domine le beurre, et la tradition méridionale, où c’est l’huile d’olive qui triomphe. Dans les mêmes années, le capitan espagnol Alonso Vázquez s’étonne qu’aux Pays-Bas « l’on prépare les mets, chose incroyable, avec du beurre de vache au lieu d’huile » (cité par Braudel, 1990, p. 287). Une surprise qui fait écho à celle qui se manifestait déjà dans l’Antiquité parmi les peuples de la Méditerranée : pour Pline, le beurre est une nourriture des peuples bar- bares, et il remarque que chez ces derniers « plus l’odeur est désagréable, plus on juge qu’il est bon » ( Hist. nat ., 28). Évitons cependant d’exagérer le poids des persistances des goûts et des auto- matismes culinaires dans la très longue durée. Si l’opposition entre une cuisine à l’huile d’olive et une cuisine au beurre est réelle – et correspond d’ailleurs à des conditions environnementales encourageant l’une ou l’autre production –, il ne faut pas négliger les fluctuations et les décalages internes. Les livres de recettes de cuisine du Moyen Âge, étudiés entre autres par Jean-Louis Flandrin (1983), suggèrent par exemple une utilisation des graisses animales aussi bien au nord qu’au sud de l’Europe. Dans les recettes des livres de cuisine italiens des xiv e et xv e siècles, le lard est davantage employé que l’huile. D’ailleurs, la consomma- tion de l’huile a été souvent imposée par l’Église dans les jours de maigre, même dans l’Europe du Nord. Si, dans une certaine mesure, le christianisme médié- val avait unifié les pratiques alimentaires à l’échelle de l’Europe en relation au rôle des graisses, la Réforme, en levant les prescriptions liées aux périodes de jeûne, a œuvré dans la direction d’une consolidation du clivage entre mangeurs de beurre et consommateurs d’huile. Dans l’ensemble, dès le bas Moyen Âge, dans plusieurs secteurs de la Méditerranée se dessinent une augmentation de la production de l’huile et

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