Nettoyage ethnique | Cattaruzza, Amaël; Sintès, Pierre

1099 Nettoyage ethnique étaient minoritaires, [elle] a favorisé, lors des combats, les tactiques extrémistes » (ibid . ) . Dans ce contexte, les atrocités commises sur les théâtres d’affrontement, ou relatées comme telles, ont aussi joué un rôle dans les départs précipités des villages musulmans (Morris, 1989). L’exemple de Chypre peut également être relu à travers ce prisme du nettoyage ethnique. Rappelons que l’île était sous domination britannique jusqu’en 1959. En 1954, la population de Chypre (511 000 habitants) était constituée à 80,2 % de Grecs et à 17,9 % de Turcs (Sanguin, 2005). Après la Seconde Guerre mon- diale, les Britanniques tentaient sans succès de doter Chypre d’institutions auto- nomes. Les communautés sur l’île étaient alors fortement divisées quant à leur projet politique pour l’avenir de Chypre. Une grande partie des Chypriotes grecs étaient pour l’ Enosis , le rattachement à la mère-patrie. Mais pour la plupart des Chypriotes turcs, cette solution était inacceptable et ils prônaient majoritaire- ment le taksim (partage de l’île). Pour la Turquie, la question était également stratégique puisqu’un rattachement de Chypre à la Grèce aurait bloqué complète- ment son accès à la mer Égée, déjà fortement entravé par les possessions grecques du Dodécanèse (attribué à la Grèce en 1947). Avec les accords de Zurich et de Londres en 1959, Chypre était déclarée indépendante, tandis que sa Constitution prévoyait un partage strict du pouvoir entre Grecs et Turcs chypriotes. De leur côté, la Grèce et la Turquie étaient considérées comme puissances garantes de l’équilibre de l’île et devaient y conserver des contingents militaires, de même que la Grande-Bretagne qui maintenait deux bases navales. Cette solution, néan- moins, restait insatisfaisante pour la plupart des Chypriotes grecs – qui considé- raient que les concessions accordées à la minorité turque dans la Constitution étaient trop importantes – et des Chypriotes turcs – qui craignaient une remise en cause du statu quo. En 1963, Makarios, le président grec de l’île, amorça une première crise en pro- posant de réviser la Constitution. La Turquie refusa. Les heurts communautaires se développèrent dans toute l’île, forçant une partie des communautés turques à se regrouper dans des enclaves et dans le nord de l’île, où elles se retrouvaient sous la protection de l’armée turque. En retour, les Chypriotes grecs du Nord furent chassés vers le sud. Dans les années 1960, la menace d’une intervention turque restait très forte. La situation évolua en 1967 avec l’arrivée au pouvoir du « régime des colonels » en Grèce. Dès lors, les relations se tendirent entre Athènes et Makarios, ce dernier restant acquis au bloc des non-alignés. Aussi, en 1974, Makarios tentait de se détacher de la Grèce et demandait le retour des officiers grecs de l’île vers la Grèce. En réponse, un coup d’État contre Makarios fut orga- nisé par le « régime des colonels » le 15 juillet. La réaction de la Turquie fut immédiate : celle-ci envoya des troupes pour une opération militaire de grande ampleur entre juillet et août. Elle obtint ainsi 38 % du territoire jusqu’à la

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