Nettoyage ethnique | Cattaruzza, Amaël; Sintès, Pierre

Nettoyage ethnique 1098 légale du déplacement forcé de populations qui est dans la logique même du nettoyage ethnique » (2005b). Les événements de la seconde moitié du xx e siècle sont aussi caractérisés par des conflits dans lesquels les mobilités forcées pour- raient être qualifiées de « nettoyage ethnique », dans le cadre notamment des relations israélo-palestiniennes au lendemain de la première guerre israélo-arabe, ou de la partition chypriote. Ainsi, les conséquences démographiques de la première guerre israélo-arabe de 1948‑1949 sont importantes et peuvent en partie être réinterprétées à travers la grille de lecture du nettoyage ethnique. Outre les morts de part et d’autre, le conflit a engendré le départ de près de 750 000 Arabes palestiniens qui vivaient sur les territoires devenus israéliens, tandis que près de 600 000 juifs quittaient les pays arabes et émigraient en grande partie vers Israël. Dans ce conflit, l’évo- lution des fronts et la progression des troupes israéliennes se sont donc traduites par l’expulsion ou le départ, suivant les points de vue, de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens dans les territoires conquis et contrôlés par les Israéliens. Aujourd’hui encore, la cause de ces mobilités fait l’objet de polémiques entre les acteurs. Ces départs sont désignés dans l’historiographie palestinienne comme la Naqba (catastrophe), c’est-à-dire comme une forme de nettoyage ethnique. Du côté israélien, au contraire, la position officielle a toujours nié l’usage par ses troupes de tels procédés, et évoque plutôt des départs liés aux injonctions des autorités arabes elles-mêmes. Les recherches récentes des historiens israéliens Benny Morris et Ilan Pappé ont commencé à offrir une vision plus précise de ces événements. Ils montrent en particulier que les preuves d’injonctions des autorités arabes appelant les populations palestiniennes au départ sont relativement faibles, tandis que les élé- ments suggérant une expulsion organisée sont plus nombreux. Selon eux, il ne s’agirait pas d’un plan politique de grande ampleur préétabli visant explicite- ment le « nettoyage » des territoires conquis, mais plutôt des actions plus dif- fuses et plus spontanées à l’initiative de commandements locaux. Morris (1989, p. 235) affirme ainsi que « sur aucun front, il n’a été émis d’ordres généraux en vue de chasser les populations arabes. Cependant, les commandants de brigade, de bataillon et de compagnie, en octobre 1948, étaient d’un avis général que le mieux serait que l’État juif comporte aussi peu d’Arabes que possible. […] Les expulsions, lorsqu’elles se produisirent, eurent généralement lieu à l’initiative des commandants locaux ». Selon lui, le climat de tension croissante sur le ter- rain depuis la Première Guerre mondiale explique le fait que, pour une majorité de juifs, la population arabe était ressentie comme une menace non seulement pour la sécurité, mais pour l’existence même de l’État d’Israël. Cette représen- tation est pour Stéphane Rosière « tout à fait classique lors d’une statogenèse » (2006) et « alors que, dans les deux camps, les partisans d’un État binational

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