Nettoyage ethnique | Cattaruzza, Amaël; Sintès, Pierre

Nettoyage ethnique 1096 contestations des instances fédérales à Belgrade. Le 26 juin 1991, les annonces d’indépendance slovène et croate entraînent, dès le lendemain, l’intervention de l’armée fédérale ou armée populaire yougoslave ( jna , Jugoslovenska Narodna Armija) en Slovénie. Les combats y sont de courte durée (27 juin-7 juillet 1991) et aboutissent, après une médiation européenne, à un moratoire de trois mois sur l’indépendance et à l’évacuation de la Slovénie par les troupes fédérales. Après sa défaite en Slovénie, l’armée yougoslave reprend les combats fin juillet en Croatie où le sécessionnisme est déjà très avancé. En Bosnie-Herzégovine, la situation se radicalise progressivement, à la suite des indépendances slovène et croate. Un réfé- rendum d’autodétermination, boycotté par les Serbes de Bosnie-Herzégovine, est organisé en mars 1992, suivi d’une proclamation d’indépendance le 6 avril 1992. Dès le lendemain, la guerre s’étend à l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine. Cette crise politique entraîne une double, voire triple, guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine : une guerre entre armées contre les forces de la jna , une guerre civile entre les populations dans chacune des régions où des majorités ethniques pouvaient s’affirmer, et une guerre entre nouveaux États (en Bosnie-­ Herzégovine, la Croatie soutient les minorités croates tandis que la Serbie sou- tient ouvertement les groupes serbes). Le caractère multiethnique de la région rend donc la lecture des guerres yougoslaves complexe, avec une série de conflits emboîtés. La décision de l’indépendance en Croatie et en Bosnie-Herzégovine a entraîné des réactions régionales radicales au sein de ces deux républiques dans les régions majoritairement peuplées de Serbes. Il nous faut toutefois remarquer que la guerre civile qui s’y est déroulée ainsi que l’implication de la « petite Yougoslavie » de Milošević (République fédé- rale de Yougoslavie comprenant la Serbie et le Monténégro entre 1992 et 2003) et de la Croatie de Tudjman ont contribué à brouiller les cartes de tous les tra- cés frontaliers de la région. Le partage secret de la Bosnie-Herzégovine entre les deux chefs d’État au début des conflits permettait, en remettant en cause de facto les tracés frontaliers de la Yougoslavie titiste, de créer un précédent qui pouvait, par la suite, s’appliquer à n’importe quelle frontière interne de l’ancienne fédé- ration. Le but de la guerre n’a donc pas été simplement de conquérir du terrain aux dépens des adversaires ; il consistait la plupart du temps à rendre les zones, où des majorités ethniques s’affirmaient, homogènes d’un point de vue ethnique, ce qui permettait d’entériner dans les faits la division de la Bosnie-Herzégovine. Cette nouvelle forme de conquête territoriale devait inventer de nouveaux pro- cédés dont la finalité était de « nettoyer » ou de « purifier » les régions de leurs communautés nationales minoritaires. Les pires atrocités ont été commises pour provoquer le départ forcé des « indésirables » : discriminations, intimidations mais aussi viols, meurtres en série, maisons brûlées, villages et villes rasés… Il fal- lait faire comprendre aux minorités qu’elles ne seraient en sécurité que parmi les

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