Navigation (Moyen Âge, Temps modernes, Période contemporaine) | Buti, Gilbert

Navigation 1080 À côté des trafics à court rayon, et parfois en complément de ceux-ci, il existe un cabotage lointain sinon « cabotage au long cours ». Les navires qui vont « en droiture » empruntent des routes maritimes relativement régulières. Ainsi, au départ de Marseille ou de Gênes, en direction des Échelles du Levant, on suit la côte italienne, on gagne la Sicile, puis on traverse la mer Ionienne en direc- tion de la Morée. Là, les routes se divisent en trois branches : l’une, au nord, per- met de gagner l’Archipel (Cyclades), Smyrne ou Constantinople ; une autre, au sud, longe la Crète, permettant par Rhodes d’atteindre Chypre, la côte syrienne et l’Égypte ; et une dernière, de parvenir à Alexandrie directement à partir de la Crète. À cette navigation directe ou « réglée » vers le Levant, il faut ajouter une technique originale d’armement, à savoir le « voyage en caravane », « à l’aventure » ou encore « à la cueillette ». Cette pratique est attestée dans le bassin occidental de la Méditerranée depuis le xvi e siècle au moins, à partir de Livourne, Gênes, Barcelone, Marseille ou Agde. Toutefois, cette navigation connaît un vif essor dans la seconde moitié du xvii e siècle dans le monde arabo-musulman dont les flottes marchandes sont insuffisantes pour assurer, en toute sécurité, les liaisons entre les différentes provinces de l’Empire. Il s’agit non pas d’un déplacement en groupe ou en convoi, ainsi que pourrait le suggérer le terme « caravane », mais d’un tramping ou cabotage lointain, qui n’est pas sans rappeler le « commerce d’Inde en Inde » pratiqué par les Européens au même moment dans le monde asiatique. Les Français n’ont certes pas l’exclusivité de ce mode de navigation légalisé par La Porte, c’est-à-dire le gouvernement ottoman, en 1686. Des mar- chands italiens et ragusains s’y livrent également, mais les Provençaux dominent cette navigation jusqu’au dernier quart du xviii e siècle. Les négociants marseil- lais comme les marchands des petits ports voisins (La Ciotat, La Seyne, Saint-­ Tropez, Cannes, Antibes) arment et vont en caravane ; selon une estimation basse, établie par la chambre de commerce en 1786, « chaque année revenait à Marseille une centaine de caravaneurs ». En vertu des règlements édictés par les bureaux de Versailles, le capitaine caravaneur recevait un congé de deux ans pour se livrer à ce grand cabotage qui, par la durée et la distance globale parcou- rue, pouvait s’apparenter au long cours. Plus complexes, quelques expéditions caravanières associent parfois les deux bassins de la Méditerranée tandis que d’autres débutent par une campagne sur les côtes du Ponant avant d’aller dans les eaux de la Méditerranée arabo-musulmane comme le fait la corvette Benjamin , de Marseille, qui effectue un voyage vers Le Havre en juillet-août 1763, avant d’aller au Levant en caravane d’octobre 1763 à janvier 1765, après avoir effec- tué une escale à Cadix sans trouver de fret (planche XVI). Le choix du type de navigation repose en général sur sa compétitivité en termes de prix, mais son coût appelle de complexes calculs qui intègrent un ensemble de paramètres : prix à l’unité de poids, de volume ou de conditionnement

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