Navigation (Moyen Âge, Temps modernes, Période contemporaine) | Buti, Gilbert

Navigation 1077 parcourue, l’éloignement et la durée des campagnes, nous pouvons néanmoins déterminer un cabotage à petit rayon et un cabotage à grand rayon. Petit ou grand cabotage, cette navigation se décline, dans la pratique, selon plusieurs modèles sans que nous trouvions une stricte spécialisation chez les caboteurs. Si la navigation apparaît en général comme le fait d’entrepreneurs privés, elle peut être également contrôlée par les pouvoirs publics, et ce, au-delà de la seule délivrance de documents administratifs exigés pour la navigation (congés, rôles d’équipage, passeports, connaissements, visites…). Venise présente ainsi le cas d’une navigation « publique », celle des convois de galères organisés par l’État, et une navigation « privée » de nefs et autres navires. La première, qui a donné lieu à la production d’une importante documentation officielle, est basée sur une gestion collective des bâtiments par des investisseurs privés mais où l’État reste propriétaire des navires qu’il peut réquisitionner en cas de néces- sité. La seconde, où les bâtiments sont possédés et exploités par des particu- liers, constitue la plus importante face du commerce maritime vénitien ; elle échappe davantage aux réglementations de l’État, rendant plus délicat à saisir ce secteur qui transporte les marchandises de consommation courante et les produits de première nécessité. La reconstitution d’opérations permet de retracer des itinéraires et de déga- ger une typologie sur les « chemins de la mer » (Buti, 2010). « Naviguer à la côte » ou « expédier au petit cabotage » constituent les mentions les plus fré- quentes qui définissent le cabotage de proximité selon plusieurs formules. On observe tout d’abord d’incessantes navettes entre deux ports dessinant de véri- tables lignes régulières de navigation (figures p. 1078 et 1079). Quelques patrons effectuent plusieurs allers-retours au cours d’une seule année entre deux ports : entre Mataró et Barcelone, entre Lavagna et Gênes, entre La Ciotat et Marseille. Le suivi de cette navigation de proximité montre souvent les mêmes patrons impliqués dans un même espace géographique et pour un même type de pro- duit : ainsi, Jean-Baptiste Vallebuona, patron du lahut Saint-Joseph , achemine sans cesse vers Gênes de la poterie d’Albisola ou des ardoises de Lavagna, tan- dis que, de 1714 à 1720, le patron Trullet effectue 74 sorties de Saint-Tropez avec sa tartane, dont 68 fois en direction de Marseille, chargée de bois à brû- ler. Dans ces conditions de navigation incessante, les indicateurs traditionnels que constituent le nombre et le tonnage de la flotte attachée à un port devraient être, chaque fois que possible, accompagnés du taux d’utilisation afin de mesu- rer la réalité de l’activité, particulièrement pour les petits ports d’armement avec forte rotation des bâtiments.

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